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Éditorial de la revue Lo lugarn en français.

L'éditorial est en occitan, dans ses deux graphies occitanes et en français.

Pour télécharger gratuitement le N°145 de Lo Lugarn au format pdf c'est ICI

 

Pourquoi il faut continuer à soutenir l’Ukraine

Existe t-il une nation ukrainienne au sens ethnolinguistique du terme ? L’intellectuel ultranationaliste russe, Alexandre Douguine, pense que non et préconise la disparition de l’Ukraine. Il a l’oreille de Vladimir Poutine qui pense comme lui.

La soi-disant « opération spéciale » de l’armée russe en Ukraine a pour but de « dénazifier » (éliminer des nazis imaginaires [1]) et démilitariser son territoire et de démanteler l’État ukrainien pour réunir les Petits-Russiens (Ukrainiens) et les « Blancs-Russiens » (Biélorusses) avec les Grands-Russiens (Russes), c’est à dire les Slaves de l’Est en un seul peuple comme c’était le cas dans le grand État formé par la principauté (ou « Rous ») de Kiev du IXème au XIIIème siècle.

L’ukrainien est une langue slave orientale du groupe indo-européen qui présente beaucoup de similitudes avec le russe et le biélorusse. Si ces trois langues n’en formaient qu’une à l’origine, elles ont progressivement divergé pour devenir des langues distinctes au XIVème siècle.

L’ukrainien n’est pas plus apparenté au russe que l’espagnol (castillan, aragonais, asturien etc.) au catalan et l’occitan au français (y compris les dialectes « d’Oïl », savoyard, poitevin, gallo, normand, picard, wallon etc.). Comme dans toute langue, l’ukrainien standard, langue de l’administration, des médias, de l’école, coexiste avec les dialectes régionaux.

Il ne faut pas confondre, comme le fait sciemment la propagande du pouvoir russe, russophone et russe. Parmi les russophones, il y a beaucoup d’Ukrainiens victimes de la russification imposée au cours de histoire par le régime tsariste puis soviétique, surtout sous Staline, et depuis lors [2].

Il y a aussi des Russes ethniques importés de Russie depuis Catherine II (XVIIIème siècle) pour coloniser l’Est de l’Ukraine ou plus récemment venus travailler dans l’industrie dans le bassin du Don, appelé Donbass [3].

Si les russophones du Donbass sont majoritairement russophiles et tournés vers la Russie, une majorité d’entre eux ne désire pas pour autant être intégrée à la Russie et si un référendum fiable pouvait être organisé, les séparatistes seraient probablement minoritaires.

Les exactions récentes de l’armée russe chez eux auraient eu plutôt tendance à renforcer le sentiment national ukrainien dans l’Est comme dans le Sud de l’Ukraine.

Il y a donc une langue ukrainienne parlée par plus de 80% de la population de l’État ukrainien, indice synthétique de la nation ukrainienne. Toutefois, l’État ukrainien est multi-ethnique car en dehors des Russes, sont présents, entre autres, des Moldaves d’ethnie roumaine et les Gagaouzes, variante de l’ethnie turque.

Comme chaque nation du monde définie par une langue propre, l’Ukraine a droit à un État indépendant avec des frontières reconnues internationalement, comme c’est le cas actuellement, et sûres.

Les griefs des russophiles envers le pouvoir central de Kyï-iv (statut de la langue russe, centralisation excessive du pouvoir) ne sauraient justifier le séparatisme suscité et armé par la Russie et l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe qui cible sauvagement les infrastructures du pays ainsi que les civils au mépris des conventions internationales.

Le Parti de la Nation Occitane soutient donc la juste lutte de l’Ukraine pour chasser l’armée russe de ses territoires indûment envahis et occupés par la force militaire.

Vu la disproportion des forces en présence, il est, selon lui, légitime que l’Ukraine sollicite la fourniture d’armes de la part des États Unis, de la Grande-Bretagne et des pays de l’Union européenne, membres de l’OTAN même si cette aide n’est pas exempte d’arrière-pensées.

Le Parti de la Nation Occitane n’est pas belliciste mais constate que pour l’autocrate Vladimir Poutine l’heure n’est pas aux négociations. Sa garantie de rester au pouvoir passe obligatoirement par la victoire de la Russie, ce qu’il faut absolument empêcher par tous les moyens (sauf bien sûr l’utilisation de l’arme nucléaire) sinon l’impérialisme russe ne s’en tiendra pas là. Poutine veut restaurer l’Empire russe (dans son incarnation récente - l’Union soviétique - sans le communisme) et défaire l’Occident et ses valeurs démocratiques.

Mais il faudra bien négocier un jour et l’Ukraine devra dans un premier temps récupérer les territoires occupés par la Russie y compris la Crimée où les Tatars, ethniquement turcs, étaient majoritaires jusqu’à leur déportation en 1945 par Staline ; bien que peu de Tatars soient revenus en Crimée, l’Ukraine indépendante leur avait reconnu un statut d’autonomie, qui devrait être rétabli et amélioré ; Sébastopol pourrait revenir à l’Ukraine au titre des dommages de guerre. Il serait possible, ensuite, de soutenir les revendications territoriales légitimes déjà exprimées en vain par la « république socialiste d’Ukraine » lors de son adhésion à l’URSS en 1922 (provinces de Rostov et de Krasnodar, ou « Kouban ») et de soutenir en même temps la légitime aspiration à son unité de la nation turque – jusqu’au Xinjiang, opprimé par la Chine.

Si le soutien à l’Ukraine faisait, au début de l’invasion russe l’unanimité dans la classe politique française, la Russie activant ses réseaux, celui-ci commence à se fissurer dans la droite autoritaire traditionnellement russophile, à gauche surtout chez les mélenchonistes et au PCF, par anti-européisme primaire et détestation de l’impérialisme américain incarné par l’OTAN.

Même le pouvoir macronien, grand spécialiste du « en même temps » est désireux de ménager la Russie et de ne pas l’humilier. Si on remplace Russie par France et Ukraine par Occitanie, la France n’est guère fondée à donner des leçons.

 

1  La propagande russe, relayée depuis 1945 par les services secrets soviétiques et autres « courroies de transmission » du Kremlin, présente les indépendantistes ukrainiens comme des collaborateurs de l’Allemagne hitlérienne, ayant adopté une idéologie « nazie », aussi bien ceux qui ont combattu l’occupation allemande jusqu’en 1945, puis soviétique jusque vers 1956, que ceux qui sont apparus depuis la chute de l’Union Soviétique ; ces réseaux et courroies de transmission, restent actifs au service de la Fédération de Russie.

2   La langue ukrainienne étant régulièrement proscrite de l’enseignement, sauf pendant l’indépendance de la République Populaire d’Ukraine (1917-1921) et de rares périodes de tolérance ; depuis l’indépendance de 1991, un « bilinguisme équilibré »officiel n’a pas suffi à contrebalancer le statut dominant de la langue russe, dans l’enseignement de la maternelle à l’université, au moins dans les régions des minorités russophones, et les progrès de la russification ...

3    Donbass signifie » « bassin du Don » ; ce nom désigne surtout aujourd’hui les deux provinces russophones de Louhansk et Donetsk, dont la Russie revendique l’annexion, mais il devrait logiquement inclure la province de Rostov-sur-le Don (ville fondée par Catherine II pour contrôler la « petite Russie ») ; le nom de Donbass a d’ailleurs été donné à l’Euro-région englobant ces trois provinces créée par le Conseil de l’Europe en 2010 avec la République d’Ukraine et la Fédération de Russie

4    Ce mouvement, créé en France en 1948, a acquis dès 1951 une dimension internationale, en même temps que le Kremlin s’en assurait le contrôle ; son rôle de « courroie de transmission » du Kremlin a survécu à l’éclatement se l’URSS en 1991.

5    Le numéro 228 (mars-avril) de cette estimable revue, paru au lendemain de l’invasion de l’Ukraine, nous a fait la désagréable surprise de consacrer cinq pages à un exposé documenté d’un point de vue sur l’indépendantisme ukrainien, de 1939 à nos jours, reprenant les thèmes de la propagande russe et poutinienne, présentant la résistance ukrainienne comme étant d’abord une entreprise de collaboration anti-communiste avec l’Allemagne hitlérienne, puis jusqu’à maintenant un mouvement « nazi ». Cet exposé honteux est annoncé, en première de couverture, par un gros titre « Voulèn la Pas en Éuropo – en Russio e en Ukraino » et aboutit dans l’éditorial à cette conclusion « Lou mounde entié a per tòco de faire s’arresta lou brut dis armo ».


occitanie - Lo Lugarn

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Tag(s) : #Editorial Lo Lugarn, #Lo Lugarn
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