Éditorial en Français du numéro 134 de la revue Lo Lugarn. L'éditorial est bilingue, en Occitan dans ses deux graphies et en Français.
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Covid-19, jacobinisme et volonté du peuple occitan
La pandémie que nous venons de subir a été très révélatrice, si besoin était, du caractère très jacobin de la République française. Par jacobinisme, nous n’entendons pas l’idéologie issue de la Révolution française qui prônait la souveraineté du peuple et l’indivisibilité de la République française mais, au sens moderne du terme et en contradiction avec son sens historique, l’organisation centralisée du pouvoir exercé par des techno-bureaucrates qui visent à rendre uniforme le territoire de la république et s’opposent frontalement au régionalisme, au fédéralisme, à l’autonomisme et à l'indépendantisme, condamné sous le nom de “séparatisme”.
La gestion autoritaire de la crise sanitaire depuis Paris a mis sur la touche le parlement, les présidents des régions, les présidents des conseils départementaux au profit des préfets briefés par le pouvoir central qui n’ont laissé aucune latitude aux maires, acteurs de terrain.
En même temps, le président de la République, le premier ministre et le gouvernement ont choisi de ne prendre aucune décision concernant la politique sanitaire et le confinement sans avoir consulté au préalable le Conseil scientifique Covid-19 constitué de 10 experts dans des domaines divers et pas seulement médicaux. Ce conseil a formulé des avis à partir du 12 mars 2020 et a notamment donné son feu vert à la tenue contestée du premier tour des élections municipales le 15 mars dernier. Manque de courage ou ouverture du parapluie, nos gouvernants ont en général respecté les avis d’un Conseil qui ont beaucoup varié sur certaines questions notamment le port du masque, un Conseil dont par ailleurs les membres étaient divisés et plutôt parisiens. Ce conseil hautain a vertement critiqué le très médiatisé professeur infectiologue, Didier Raoult de Marseille qui bousculant les protocoles bureaucratiques et les conflits d’intérêt, obtenait d’excellents résultats à l’IHU de Marseille dans le traitement de la pandémie.
Pour faire face à une situation inédite, le Parti de la Nation Occitane pense que des régions avec de vrais pouvoirs y compris sur le plan sanitaire auraient beaucoup mieux su s’adapter à la crise.
Sans polémique inutile, on peut pointer du doigt l’inefficacité du modèle jacobin.
En soulevant la question du jacobinisme, de la gestion rigide du bas par le haut, le Parti de la Nation Occitane s’en tient aux faits et ne tente nullement de les dénaturer pour conforter ses thèses comme le font sans vergogne les souverainistes français anti-européens et ceux qui voient dans cette crise la nécessité au contraire de renforcer la mondialisation et l’Europe des États.
Le Parti de la Nation Occitane fait observer que si l’Allemagne a été plus performante pour gérer la crise sanitaire avec une mortalité bien moindre que chez nous, le fédéralisme de la République, même s’il n’explique pas tout, y est pour beaucoup.
On nous objectera que l’Espagne des autonomies a été dépassée par la crise et a subi une surmortalité. A quoi, on peut répondre que si le gouvernement central de Madrid n’avait pas retiré aux autonomies la compétence sanitaire, la situation aurait été bien différente.
Par ailleurs, si le gouvernement autoritaire chinois a vaincu la pandémie c’est parce que la dictature du Parti Communiste chinois lui a permis de prendre des mesures draconiennes brutales que n’aurait pas pu prendre un régime démocratique digne de ce nom.
La pandémie a aussi mis à l’arrêt les tentatives pour convaincre le pouvoir français d’entreprendre une nouvelle étape de la décentralisation (promise depuis mais avec quelle crédibilité ?) et pour instaurer la diversité linguistique dans un État qui est monolingue sauf pour suivre l’anglomanie ambiante.
Le mouvement culturel et politique occitan a subi de plein fouet cette période de confinement avec l’annulation de nombreux événement culturels occitans dont l’Estivada de Rodez où le Parti de la Nation Occitane tient généralement un stand.
Or, culturels et politiques occitans ont un besoin vital de rencontrer le peuple occitan dans de tels évènements ou sur les marchés et sur les places publiques.
Nous ne pouvons pas nous contenter des réseaux sociaux pour affirmer notre présence même si c’est utile.
Pendant le confinement les derniers occitanophones de naissance ont continué de mourir de mort naturelle ou du virus.
Bientôt, nous ne pourrons plus compter que sur les jeunes et les adultes qui apprennent notre langue dont le nombre peut et doit augmenter considérablement.
Une langue que l’éducation nationale, surtout avec la réforme Blanquer du lycée, continue de travailler à faire disparaître comme pour toutes les autres langues de France.
Le Parti de la Nation Occitane réaffirme qu’il ne faut pas compter sur l’État français ni sur les collectivités territoriales dont il définit le territoire, les compétences et les moyens pour sauver notre langue et notre culture. Il nous faut, comme en Corse, participer aux élections en commençant par l’échelon local, en alliance avec d’autres forces occitanes, comme le fait Occitanie-País Nòstre.
Mais sans la volonté du peuple occitan, nous ne parviendrons ni à l’autonomie ni au fédéralisme ni un jour à l’indépendance. Il appartient au Parti de la Nation Occitane et pas à lui seul dans le mouvement occitan, de contribuer à créer cette volonté.
Mais le Parti de la Nation Occitane n’oublie pas non plus qu’il est inter-nationaliste et il a observé ce qui se passait chez nos voisins proches ou plus lointains.
Pendant le confinement, les prisonniers politiques catalans sont restés en prison et les exilés en exil. Le dialogue entre Barcelone et Madrid n’a pas avancé.
Pendant le confinement, l’autocrate turc Erdogan a fait libérer des milliers de prisonniers des geôles turques sauf les Kurdes.
Parvenir à l’indépendance des nations sans État du monde n’est pas un long fleuve tranquille mais nous n’avons pas d’autre choix qu’y naviguer.
Jean-Pierre Hilaire