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De l'Ukraine à la Corse ou le quatrième mousquetaire

par Bernard Fruchier

Un récent n° de Marianne a exposé, avec une apparente objectivité, l'origine géopolitique de l'invasion de l'Ukraine dans des termes qui devraient satisfaire les militants du PNO, très au courant des réalités ethniques notamment en Europe : nul besoin donc de revenir sur l'origine des tensions et sur la responsabilité des occidentaux et particulièrement des Américains. Le choix délirant et irresponsable (sans doute par désinformation) de Poutine d'envahir l'Ukraine ne laisse aucun doute quant à l'identité de l'agresseur et à celle de la victime, d'autant plus que l'évolution des actions sur le terrain démontre, chaque jour un peu plus, une volonté de destruction et, au minimum, d'ethnocide voire plus. Cette invasion avait d'autant moins de raison(s) d'être que le dictateur du Kremlin était en passe d'obtenir, rien que par la menace, une « finlandisation » de son voisin et seuls des souvenirs historiques manipulés par sa propagande pouvaient soutenir le mythe d'une « nazification » de l'Ukraine.

Une fois de plus, l'ethnisme apparaît comme LA solution au problème des relations internationales, d'autant plus que la Russie cherche en l'occurrence à en dévoyer le principe dans son soutien aux républiques séparatistes du Donbass (sur lequel existe un excellent article sur Wikipedia). C'est là que surgit notre quatrième mousquetaire. Les quatre critères de l'indépendance nationale sont, pour François Fontan, la non soumission politique, la non exploitation économique, la non aliénation culturelle et la non invasion démographique. Ce quatrième point est trop souvent laissé de côté dans nos écrits par crainte de nous voir classés parmi les soutiens de l'idée zemmourienne de « grand remplacement » empruntée à l’écrivain Renaud Camus. Et c'est justement le reproche qui vient dans les média(s) d'être fait aux Corses qui se plaignent – à juste titre – d'être désormais minoritaires sur leur île.

Revenons au Donbass. Dans un pays où une bonne partie (quel pourcentage ?) de la population parle sans problème à la fois le russe et l'ukrainien (deux langues qui forment avec le belarus le groupe des langues slaves orientales), imposer une langue officielle à des russophones immigrés du temps de l'industrie minière ne saurait fonder une accusation de génocide ou d'ethnocide, car là est le problème : la russophonie de certaines populations du Donbass n'est pas originaire mais c'est bien la Russie qui y encourage en même temps la poursuite d'une immigration russe et le rejet agressif de la langue ukrainienne pour servir ses intérêts impérialistes. Que la Crimée n'ait jamais été ukrainienne, nous le savons depuis toujours mais alors il conviendrait de la rendre aux Tatars déportés par Staline.

Arrivons à la Corse. Non, la situation des immigrés en France et en Corse n’est pas du tout semblable et même totalement différente. En Europe, en général, le « grand remplacement » est seulement racial, éventuellement religieux, ce qui, pour le PNO, ne pose aucun problème puisque, pour nous, race et religion ne constituent pas des critères de nationalité (bien que pour les islamistes, il soit hors de question de se définir comme « français » puisque, selon eux, n’existe que l’Oumma ou communauté des croyants et une seule constitution : l’islam) : les États ont les moyens – s’ils le décident - de proposer une intégration linguistique et laïque, outils que ne possèdent pas les Corses, ni d'ailleurs les canaques/kanaks et encore moins les Occitans et les autres peuples dominés par l’État français. Car l’invasion démographique va de pair avec l’aliénation culturelle.

C'est là que se pose la question de savoir si cette invasion démographique ne serait pas trop souvent la première étape d’une colonisation consciente, volontaire et planifiée : un référendum « démocratique » n'aurait plus aucun sens dans des colonies où les autochtones sont devenus minoritaires et le Lugarn a récemment fait référence avec justesse au referendum « néo-calédonien » boycotté par les Canaques. Si demain les autorités françaises proposaient aux résidents en Corse un vote pour ou contre une éventuelle autodétermination, quelle valeur aurait ce scrutin si les immigrés majoritaires y participent ? Et si demain (on peut rêver) l’enseignement de « la » langue corse y devenait obligatoire dans l’enseignement, les colons francophones pourraient-ils faire appel à l’armée française pour mettre fin à ce qu’ils baptiseraient à leur tour génocide ?

Dans nos villages du País Niçard, en un siècle de domination française, les patronymes ont totalement changé, comme l’avait remarqué, il y a bien longtemps déjà, mon ami Jean-Pierre Ivaldi en comparant les noms des élèves de l’école de Bendejun. Cette « évolution » démographique ne serait pas gênante si elle ne s’était accompagnée du mépris culturel véhiculé par l’« escòla de la vergonha » aggravant de plus la fracture générationnelle avec la bénédiction des parents ! J’ai déjà écrit que le fameux auto-dénigrement si « français » selon les analystes était la nécessaire conséquence de notre aliénation culturelle.

Il importe donc, plus que jamais, de rappeler le droit des peuples, définis ethniquement par leur langue maternelle, à choisir leur destin en luttant pour obtenir les quatre éléments de l’indépendance nationale, sans se laisser détourner de ce but légitime par une argumentation faussement démocratique.

Ukraine - Corse

Ukraine - Corse

Tag(s) : #international, #Corse, #Ukraine, #Tribune libre
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