À propos de la circulaire ministérielle du 14 décembre 2021 concernant l’enseignement des langues régionales, ce baratin « officiel » pourrait être résumé ainsi : rien de nouveau sous le soleil ! Mais ça a été constaté de puis bien longtemps déjà, ailleurs.
1) En effet, sans statut officiel et légal pour les langues dites « régionales » au devant du français, lesdites langues « ne servent à rien » et dès lors, à quoi bon s’en encombrer ? Le catalan a été sauvé en Catalogne sud parce qu’il est non seulement enseigné partout de manière obligatoire, mais encore et surtout parce son usage et sa maitrise ont été rendus obligatoires, y compris et tout d’abord dans l’accès à l’emploi. Il est rendu, par décision politique, obligatoire. Dans l'hexagone, au contraire, le même catalan est rendu, par décision politique, totalement superflu. Dès lors, il périclite et disparait.
2) À chaque niveau du texte officiel, le verbe utilisé est « pouvoir », les élèves peuvent éventuellement choisir. Oui mais :
— choisir pour quoi faire, puisque dans les faits, la langue dite régionale est rendue superflue par les lois et textes constitutionnels français ?
— comment choisir une option (superflue ou non) de laquelle la mise à disposition pour les élèves en vue dudit choix est totalement tributaire de la décision des chefs d’établissement qui, quant à eux, « peuvent » certes, mais
a) n’y sont en rien tenus et
b) ne disposent, dans un contexte de pénurie de moyens, d’aucune ligne budgétaire officielle spécifique en vue de la fumeuse « promotion et sauvegarde » dudit « patrimoine » (quelle condescendance !) ?
Pour traduire ce texte en bref, les peuples parlant ces langues patrimoniales, minorisées par décision politique française, sont priés d’aller s’afficher sur les cénotaphes de musées d’Ethnographie, de fermer courtoisement leur gueule sur la place publique (car, n’est-ce pas, tout le monde ne les comprendraient pas…) et de disparaître de la vie réelle, médiatique, politique et sociale, sans laisser de traces gênantes pour les pouvoirs publics suprémacistes français.
À chaque espèce biologique qui disparait, un morceau du mur néolibéral s’effondre sur nous. À chaque peuple, langue et culture qui disparait, un autre morceau de ce même mur s’effondre sur nous. Que laissera-t-on à nos enfants ? Quel monde déshumanisé, dévitalisé ?
Franc Bardou
Écrivain occitan, Docteur es Littérature Occitane, professeur d'occitan en collège et lycée.