Secondufiatu La Corse à l’international - lundi 12 juillet 2010
LE TOUR DE FRANCE DES INDÉPENDANTISTES
Occitanie : La langue d’oc prépare sa revanche
Les pays de langue d’oc réunis au sein d’une République fédérale occitane indépendante ? Pour les ethnistes, c’est un droit.
Par Sandro Piscopo-Reguieg
« À chaque langue correspond une nation qui a donc le droit de s’émanciper. » C’est le concept d’« ethnisme », théorie politique élaborée dans les années 1950 par François Fontan. Ce penseur gascon illustrera logiquement sa thèse en exigeant l’indépendance pour les pays de langue d’oc. Dans ce but, il créera le Parti de la nation occitane (PNO) en 1959. Nous sommes alors en pleine décolonisation et « l’ethnisme permet aux nations sans état, partout dans le monde, de légitimer leur droit à l’indépendance », nous explique Jean-Pierre Hilaire, aujourd’hui vice-président d’un PNO qui vient de fêter son demi-siècle, mais qui n’a pas abandonné la lutte.
DIVERSITÉ. Selon les critères linguistiques du PNO, c’est tout le tiers sud de la France qui devrait faire sécession pour se ranger sous la bannière occitane : Gascogne, Guyenne, Languedoc-Roussillon, Limousin, Auvergne, Provence et Dauphiné auxquels il faut ajouter les vallées alpines du Piémont italien et le petit Val D’Aran Catalan. L’Occitanie, c’est donc un (trop?) vaste territoire qui s’étend sur trois États. Alors la tâche s’annonce rude. D’autant plus qu’à l’intérieur même de l’aire occitane, certains sont plus indépendantistes que les indépendantistes. « Les Occitans, et c’est la cause de leur perte, ont une propension à se battre entre eux, regrette Jean-Pierre Hilaire. Encore aujourd’hui, certains Provençaux nous sont hostiles, considérant que la Provence est une nation à part entière, avec sa propre langue. Ils nous accusent de vouloir l'« occitaniser »! » Des indépendantistes accusés d’impérialisme ? Pour éviter tout malentendu, l’État occitan sera donc une République fédérale, garante d’une certaine « diversité dans l’unité » pour chacun de ses « pays ». Ouf, nous voilà rassurés.
UNION. Les rivalités, on les retrouve aussi dans la lutte politique. Le PNO est en effet concurrencé par les autonomistes du Parti occitan (PO). Pire, le PO rassemble aujourd’hui un plus grand nombre d’adhérents, et il compte cinq élus au conseil régional de Midi-Pyrénées grâce à son alliance avec Europe-Ecologie aux dernières élections. « Ils sont clairement de gauche, alors que nous ne nous inscrivons pas dans ce genre de clivages politiques, tranche Jean-Pierre Hilaire. Leur alliance avec les verts leur sera néfaste, car il y a des Jacobins chez les écolos! » Lors des régionales de 2010, le PNO a brillé par son absence. Il avait pourtant un projet ambitieux : « rassembler toutes les forces de la mouvance indépendantiste au sein d’un seul et même mouvement, comme lors des régionales de 2004. Nous avions alors pu attirer 15000 voix en Languedoc, un grand succès ». En 2010, l’union n’a pu voir le jour, à cause de la maladie du président du PNO, Jacques Ressaire, « locomotive du mouvement », décédé depuis. « Nous n’avons pas renoncé à cette stratégie, assure Hilaire. Nous appelons le PO à travailler avec nous. Nous y avons beaucoup d’amis. Et nombre de leurs adhérents, ceux qui les trouvent trop timorés, viennent nous rejoindre ». D’ailleurs, le nouveau président du PNO, Philippe Bonnet, est un ancien du PO… Vous suivez toujours ?
RECONQUÊTE. « Nous préparons le terrain pour l’indépendance de l’Occitanie. C’est un mouvement historique inéluctable », annonce Jean-Pierre Hilaire, sûr de lui. L’enviable voisin catalan constitue l’exemple à suivre : « Là-bas, l’autonomie est considérée comme encore insuffisante. Mais pour nous, arriver à un tel niveau serait une avancée considérable ! » Lucide. Il sait que la route est longue. La faute aux Jacobins qui « depuis des siècles, façonnent les mentalités par l’école et les médias ». Si bien qu’« il est aujourd’hui difficile de faire prendre conscience aux Occitans qu’ils ne sont pas Français ! » La marche vers l’autonomie se fera donc « pas à pas », en commençant par les bases, comme « la reconquête de la langue occitane. » Une cause qui a rassemblé l’année dernière à Carcassonne 25000 personnes, mobilisées « pour le développement de l'enseignement de l'occitan et pour une télévision de service public en langue d'oc ». Jean-Pierre Hilaire est optimiste. « Il y avait beaucoup de jeunes ». De quoi garantir le renouvellement des troupes du PNO. Et pourquoi pas assurer la revanche des Languedociens, entrés définitivement dans la mouvance française après leur défaite face aux « francocroisés » à Muret, en 1213… À cette époque, le Comte de Toulouse employait l’expression « les gens de notre langue », pour désigner les siens et ses alliés occitans. Peut-être était-il déjà ethniste…
L’« ethnisme » appliqué à la Corse
Une langue, une nation. Ca, c’est la théorie ethniste.
Appliquée à la Corse, elle entraîne des conséquences assez inattendues, comme nous l’explique Jean-Pierre Hilaire: « la Corse constitue le talon d'Achille de l'Empire français. Son statut d'État indépendant dans un avenir proche fait de moins en moins de doute. Mais sur le plan linguistique, il existe un clivage entre nord et sud.
Au nord, la langue indigène est de type italien (le cismuntanu), l’ethnisme rattache donc cette partie de l’île à la Toscane.
Au sud, c’est le type Sarde qui prime (l’ultramuntanu), et il convient donc d’associer la Corse du sud à la Sardaigne. » Une position qui ne plaira pas à tout le monde, Jean-Pierre Hilaire en convient. « L’ethnisme est un nationalisme humaniste et internationaliste, se défend-il. Nous voulons redessiner la carte du monde, oui. Mais ce ne sont que des propositions. L’ethnisme propose, les peuples disposent…»