Ayant eu quelques échos de l’exposition que la ville de Toulouse a organisée en 2024 sur « Les Cathares », je me suis décidé, le dernier jour (5 janvier 2025) à aller la visiter. Ce fût une grande exposition faite avec beaucoup de moyens, qui a connu une grande fréquentation populaire.
Pour ceux qui connaissent peu le sujet (cathares et croisade) il y avait déjà beaucoup de matière à découvrir, mais pour ceux, comme moi, qui baignent plus ou moins dans le sujet depuis longtemps, c’est un grand sentiment de malaise qui nous a envahi en sortant de là.
Si on prend un peu de recul et que l’on essaie d’analyser ce sentiment, on comprend que cette exposition est dans la lignée de celle de 2018 à Montpellier où un déconstructivisme de bon ton aujourd’hui, et décomplexé, est affiché. L’objectif n’apparaît pas de faire une étude sociologique et théologique de la mouvance hérétique-cathare, mais de minimiser, voire dévaloriser ce mouvement médiéval.
- « Le terme cathare n’existait pas au moyen-âge ». Faux, nous dit Annie Cazenave (médiéviste). Il figure dans manuscrit 933 de la Bibliothèque Municipale de Toulouse écrit en 1220, sous la rubrique de « heresi catharorum ». Ce terme fût employé, parmi d’autres, pour nommer l’hérésie.
- « Ils étaient peu nombreux, 5 % de la population à Toulouse ». Je serais étonné que ce pourcentage soit applicable dans certaines campagnes, et ce d’autant plus qu’il ne faisait pas bon alors de se dire cathare. Et puis surtout, qu’est-ce que cela change ?
- « Ils ne formaient pas une église constituée ». La notion de « parfait » discriminante dans la population est-elle une invention ? Il est vrai que lorsque on a pour seule référence le centralisme autoritaire chrétien de l’église romaine de l’époque, il est bien difficile d’admettre l’existence d’une église ouverte.
La philosophie de l’exposition est de dire qu’il y avait des mouvances hérétiques diverses, que, par intérêt, l’église de Rome a surévalué les hérésies pour mieux les réprimer, et que tout cela a été artificiellement confondu dans une mouvance hérétique unie qui n’existait pas. Évidemment, aucune bibliographie, aucune référence, aucun auteur, aucune preuve ne sont avancées, réduisant ce propos à une simple opinion que le « Vulgum pecus » se doit d’admettre comme parole d’évangile. Vous êtes sommés d'adhérer à la nouvelle religion. D'ailleurs, pour le "catharisme" on s'en tient à Charles Schimdt et Napoléon Peyrat : exit Jean Duvernoy, Michel Roquebert, Anne Brenon et les autres.
Peu ou pas de choses sont dites sur le martyrologue des « cathares » ; sur la délation institutionalisée, la torture, les confiscations de biens, les maisons brûlées, les cadavres déterrés, les prisons à vie, etc… D’ailleurs on ne pose pas la question du nombre de personnes qui ont subi tout cela. Le froid propos des « historiens » ne s’embarrasse pas de jugement moral, et à plus forte raison de compassion. L’objectif de l’exposition n’est visiblement pas de faire le point sur les hérésies médiévales et leurs répressions, mais de les déconstruire, à l’école de Jacques Derrida et Michel Foucault.
La réalité de la tragédie cathare n’est pas ouvertement niée, elle est minimisée, diluée et, de fait, c’est plus pernicieux, le propos finirait par laisser sous-entendre que cette tragédie ne serait, pour une bonne part, qu’un vaste mensonge.
Que les historiens continuent leurs recherches ne nous choque pas. Mais notre malaise vient ici du fait que nous sommes au-delà de cela.
Il nous semble que plusieurs ressorts peuvent sous-tendre un tel discours ;
- Quand on est en mal de notoriété, il est toujours possible de s’afficher à l’encontre des thèses généralement admises.
- Les fonctionnaires universitaires, plus ou moins consciemment, se croient investis de la mission sacrée d’écrire le roman « national » au bénéfice de la centralité qui les nourrit.
Cette exposition finalement m’est apparue comme une provocation à tendance révisionniste. C’est un peu comme si la croisade dans laquelle elle s’inscrit, n’était pas finie. L’histoire n’est pas une science exacte. Elle garde une porte ouverte sur l’idéologie, nous le savons bien, et cela est encore moins pardonnable quand on se prétend professionnel.
J’en veux pour preuve le développement en fin d’exposition, des avatars commerciaux, folkloriques et autres qui se sont développés au-delà du catharisme. Cela n’a rien à voir avec les faits médiévaux, mais cela contribue encore à discréditer les « cathares ». Cela n’avait rien à faire dans cette exposition prétendue historique.
Qu’est-ce que la ville de Toulouse est allée faire dans cette galère ? Au mieux on dira qu’elle a réitéré l’exposition de Montpellier, par paresse intellectuelle. Au pire il faudrait penser que Toulouse a honte de son histoire, au nom d’un modernisme uniformisateur et mercantile.
Le plus grave est que la population peu initiée qui a visité cette exposition a pu sortir de la salle lessivée de tout jugement de valeur. Consommez et laissez votre humanité au vestiaire. Et certains garderont en tête la question qui ponctue l’exposition : « le catharisme a-t-il existé ? ».
Le plus triste enfin, est que je n’ai pas vu dans les médias (en dehors de quelques individualités) de réaction des associations occitanes biberonnées aux subventions publiques, voire municipales.
Et on attend l’étape suivante où une exposition nous expliquera que la langue occitane n’existe pas, qu’il n’y a eu qu’une multitude de dialectes du bas latin, et que seuls les États-nations sont légitimes à définir une langue.
Ainsi la boucle sera bouclée.
Jacme Pince
Le 15 janvier 2025
Cette année le 16 mars tombe un dimanche. Il n’y aura donc qu’une seule commémoration, ce jour-là, à Montségur, à 11 heures, au Prats dels Cremats.
Occitania e Libertat