Cette newsletter commence par mes démangeaisons avec Zemmour, pourquoi ? Parce que depuis que je l’écoute et le regarde à la télé sur Cnews je ne suis souvent pas d’accord avec lui et j’aurais bien aimé qu’on m’invite pour argumenter et le contredire avec la théorie ethniste de François Fontan. Ceci dit, comme c’est peu probable, j’ai décidé d’argumenter ici par écrit.
Pour mon débat imaginaire avec Zemmour je commencerai par cette question : Qu’est-ce qu’un peuple pour vous M. Zemmour et qu’est-ce qui différencie un peuple d’un autre ? Chacun sa langue ? Chacun son histoire ?
D’après moi ce qui différencie un peuple d’un autre, par exemple le peuple danois du peuple suédois, le peuple italien du peuple français est non pas l’histoire de ses dirigeants, mais l’appartenance de sa population à une langue.
Autre question : Est-ce que tout peuple à le droit de vouloir retrouver son indépendance et gérer son propre destin ? Ma réponse est oui. Oui pour le peuple ouïgour, oui pour le peuple kurde, oui pour le peuple anglais, oui pour le peuple basque, oui pour le peuple français du Québec, oui pour le peuple pachtoune, oui pour le peuple français, oui pour le peuple occitan, oui aussi pour les six mille langues et peuples qui peuplent la terre.
Question supplémentaire : Un peuple a-t-il le droit de vouloir envahir le territoire linguistique d’un autre peuple et lui imposer sa langue ? Ma réponse est non. Ce fut pourtant le cas lors de la période colonisatrice des puissances européennes. Mais aujourd’hui c’est NON. Cela s’appelle de l’impérialisme.
Si j’ai bien compris, d’après Zemmour c’est l’histoire qui décide de ce qui appartient à qui. C’est-à-dire concernant les frontières l’Alsace est française et pas allemande même si sa population préfère parler l’allemand, la Catalogne est espagnole même si sa population veut être catalane, et l’Irlande est aurait dû rester anglaise, etc…
Je ne suis pas cet avis. C’est la population du territoire linguistique qui décide de son destin. Quand il parle de ce qui délimite un peuple, Zemmour ne parle jamais ou très rarement de la langue du territoire. Avec lui c’est toujours « une histoire de conquêtes » et de frontières établies à partir de conquêtes.
Je ne suis pas d’accord.
Mon argumentation : Dans le temps il y a eu ce que j’appellerais une bifurcation du droit à la possession. Mais grâce au progrès de la communication la possession héréditaire de territoires par les familles royales régnantes a été remplacée par la possession du territoire par la population qui vit sur le terrain à partir d’élections libres. Ce ne sont pas les familles royales qui en donnant en dot, lors de noces, la Sardaigne à leur fille ont décidé de l’identité de la Sardaigne mais sa population qui parle le sarde et qui demande aujourd’hui légitimement son indépendance.
Zemmour est spécialiste en histoire de France avec un grand F. Il parle rarement des langues et des peuples sédentarisés en France. Il ne parle pas des Corses, des Bretons, des Occitans, des Alsaciens. Et bien sûr encore moins des membres des ethnies berbère, arménienne, etc… (installés sur le territoire), par contre je l’ai entendu dire qu’il aurait aimé que Napoléon fasse la conquête de l’Italie et que l’Italie fut alors française.
Zemmour a raison et a le droit d’être patriote nationaliste français mais cela veut-il dire que la nation française est supérieure aux nations italienne, espagnole, anglaise, bantoue, arabe, Kurdes, etc. ? Non. Différente oui (à moins qu’on pense être dans un monde où uniquement les rapports de forces comptent).
Zemmour ne se rend pas compte que si on prend une carte historique de l’Europe
coupée par tranches de 20 ans ou 50 ans de l’an 500 à aujourd’hui 2021, à partir de 1500 ans les frontières des États-nations sont de plus en plus ethniques c’est-à-dire linguistiques. Elles prennent en compte les peuples et pas des histoires de famille ou des conquêtes territoriales. Mais revenons à la situation géopolitique mondiale. Partout dans le monde il y a des frontières étatiques qui ne prennent pas en compte les frontières linguistiques qui délimitent les peuples. Pourtant ce sont ces frontières linguistiques qu’il faudra admettre et reconnaître pour éviter les guerres.
Voilà ma position : L’espèce humaine est aujourd’hui à un croisement historique, un choix entre deux chemins. D’un côté le chemin de Zemmour, Biden, Trump, Fukuyama, Huntington, qui se résume à « pour survivre il vaut mieux être fort que faible » et imposer et montrer sa force ; et de l’autre côté celui de François Fontan qui, à partir d’une analyse plus humaniste en prenant en compte le cul de sac de la « loi du plus fort » et la remodelant, propose l’ethnisme.
L’ethnisme qui propose que partout où il y a une langue (une vision du monde) il y a un peuple et un territoire sur lequel il vit et dont il peut légitimement dire : C’est ma nation. Résumons encore, tout peuple (langue) a droit à son indépendance sur son territoire linguistique C’est-à-dire à gérer son destin politique et culturel (dans le cadre du respect des autres peuples). Sinon il y aura des guerres de libération non stop. Sans compter que « la guerre » aujourd’hui avec les progrès scientifiques et biologiques, l’intelligence artificielle, etc… risque de mettre en danger l’existence même de l’espèce humaine.
Ma proposition : Pour sauver le monde de son ethnocentrisme qui pourrait se transformer en guerre, je demande que la France propose une conférence internationale calquée sur celle de Wilson « les nations du monde », mais cette fois-ci intitulée « les peuples du monde » en invitant non seulement les nations mais les ethnies, les peuples à promulguer leur droit à l’existence (je suis prêt à aider à rédiger la charte).
Ben Vautier