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L’Alsace hier et aujourd’hui

Dans la bibliothèque familiale, j’ai  récupéré un très beau livre richement illustré, intitulé Les Provinces Captives, l’Alsace et la Lorraine  (https://www.abebooks.fr/Provinces-Captives-Alsace-Lorraine-SIrven-TOULOUSE/982982393/bd ) et préfacé par Maurice Barrès de l’Académie Française, chantre du national-impérialisme français https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Barr%C3%A8s . Édité par l’éditeur occitan de Toulouse, Sirven, il fut publié en 1917, c’est à dire en pleine Grande Guerre dont l’un des objectifs était de laver l’affront subi en 1871 en récupérant les « provinces » annexées par le Reich. Autant dire que l’ouvrage n’a pas pour qualité première l’objectivité. C’est une œuvre de propagande antiallemande. Il faut dire qu’à l’époque le lavage de cerveau fonctionnait à plein côté français comme côté allemand. Nous en connaissons les conséquences : une génération entière de jeunes hommes décimée de deux côtés sans compter les blessures physiques et psychologiques. Pas étonnant que mes deux grands-pères qui vécurent cet enfer, refusèrent toujours d’en parler.

Mais laissons la parole à Maurice Barrès. Elle est sans ambigüité :

« La fidélité de l’Alsace-Lorraine nous a préparé le merveilleux renouveau qui, parti de la victoire de la Marne, mènera la France victorieuse jusqu’aux bords du Rhin. Si l’Alsace-Lorraine s’était détournée de nous, comment eussions-nous sauvegardé, pendant quarante-quatre ans, l’honneur français et maintenu, malgré la défaite, le principe de la France intégrale ? C’est d’elle que notre politique nationale tirait toute signification. »

Mais quittons le mythe et occupons-nous de l’histoire, la vraie, pas celle de la propagande.

L’Alsace hier et aujourd’hui

Historiquement, l’Alsace est une terre de langue allemande (dans ses variétés dialectales alémanique et francique) comme la Lorraine thioise avec des parties francophones (vallées welches, certaines communes du Sundgau).

Le dialecte alémanique d’Alsace se parle également dans le Sud de l’Allemagne, en Autriche et en Suisse. L’alémanique et le francique rhénan qui est parlé dans le Nord de l’Alsace ont entre 1700 ans et 1500 ans d’existence.

Depuis le milieu du XVIIe siècle et son annexion sous le règne de Louis XIV, tout le monde à l’époque en France comme à l’étranger savait que l’Alsace était un pays allemand et non une nation distincte.

À la suite du traité de Westphalie, l'Autriche cède au royaume de France une partie de l'Alsace, principalement le sud de la région. La République de Mulhouse conserve son statut de ville indépendante. La noblesse française éprouvera au début des difficultés à asseoir son autorité sur le territoire alsacien.

Strasbourg n'est annexée par la France qu'en 1697 aux termes du traité de Ryswick.

L'Alsace accueille très favorablement la Révolution française. C’est le berceau de La Marseillaise  Chant de guerre pour l'armée du Rhin en 1792 à la suite de la déclaration de guerre de la France à l'Autriche.

1790 : l'Alsace est partagée en deux départements : le Bas-Rhin et le Haut-Rhin. Strasbourg devient la préfecture du Bas-Rhin et Colmar celle du Haut-Rhin.

1852 : l’Alsace vote massivement en faveur du plébiscite sur l’Empire de Napoléon III.

Au 19e siècle, lorsque les nationalistes allemands revendiquent l’Alsace de langue identique à la leur, les Français prétendent que l’Alsace ne parle pas allemand mais alsacien.

Après l’annexion de l’Alsace par la France, le français au départ langue des conquérants, gagne peu à peu la bourgeoisie et domine chez les intellectuels alsaciens au milieu du 19e siècle. La loi Falloux (https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_Falloux) impose le français comme langue d’enseignement à l’école primaire.

Les conséquences de la défaite française en 1870

Après la défaite lors de la guerre de 1870, l'Alsace (moins l'arrondissement de Belfort) et une partie de la Lorraine (actuel département de la Moselle) sont annexées au Reich allemand.

Une politique visant à mettre fin à la francisation depuis l'annexion française est mise en place.

Celles que l'on désigne alors comme les « provinces perdues » inspirent une volonté française de revanche pendant la 3e république. « Reichsland », l'Alsace-Lorraine est dotée d'une constitution en 1911, qui est suspendue dès le début de la Guerre de 14.

À l'issue de celle-ci, l'Alsace-Lorraine réintègre la république française en 1919.

Le retour des territoires alsaciens à la France ne se fait pas sans heurts ni maladresses de l'administration française.

Sur le plan culturel, l'administration essaya de développer l'usage du français : l'alsacien est limité à l'école dans les communes à majorité francophone, même si l'enseignement religieux se fait en allemand ou en dialecte et que quatre ou cinq heures hebdomadaires d'allemand sont incluses dans les programmes ; les fonctionnaires s'expriment généralement en français. L'ordre est donné d'utiliser la méthode d'enseignement directe dans les écoles, qui consistait à utiliser le français sans transition. Les habitants de l'Alsace-Lorraine en 1918 furent divisés en quatre classes de citoyens, marquées par les inscriptions A-B-C-D sur leurs cartes d'identité. Ce classement des citoyens fut établi en fonction de l'ascendance et d'enquêtes, plus ou moins fiables dans un climat de délation, sur le degré de francophilie. Chaque classe correspond à des droits civiques différents. Voilà un exemple méconnu d’épuration ethnique dont on ne parle pas dans les livres d’histoire des écoles de la république française ! Mais est-ce surprenant ?

Les autorités françaises mettent en place une politique d'expulsion : 112 000 personnes seront concernées.

Brève histoire de l’autonomisme alsacien

Le mouvement autonomiste alsacien débute réellement après 1870, une fois l’Alsace devenue prussienne. Des Alsaciens se présentent sous cette étiquette dès les législatives de 1877. Mais le Reich se méfie de l’Alsace. Il lui concède toutefois des avancées : une assemblée consultative régionale en 1879 et, surtout, une assemblée législative régionale (Landtag) en 1911. L’Alsace n’est toujours qu’un Reich land et toujours pas un État (Staat),

Parce que la France doit refranciser cette région, elle y envoie des fonctionnaires et enseignants venus « de l’intérieur ».

Après l’arrivée au pouvoir, à Paris, du Cartel des gauches en 1924, la volonté d’Édouard Herriot de mettre fin au statut scolaire confessionnel met l’Alsace, en émoi.  50 000 manifestants à Strasbourg font reculer Herriot.

En mai 1925 est créé à Saverne un hebdomadaire autonomiste, Die Zukunft (L’Avenir), dont le directeur de la rédaction est Eugène Ricklin, futur président du mouvement Heimatbund en 1926. Un parti autonomiste, le Landespartei, est créé en novembre 1927 par Karl Roos. Mais le mouvement autonomiste est hétérogène. Certains sont plutôt régionalistes, d’autres séparatistes.

1940-1944
L’Alsace est une nouvelle fois annexée par l'Allemagne en 1940 lors de la Seconde Guerre mondiale,

Pendant l'occupation nazie, l’Alsace forme avec le pays de Bade le Gau Baden-Elsaß dont la capitale administrative est Strasbourg. Il est alors formellement interdit de parler alsacien ou français. L'apprentissage et l'usage de l'allemand sont obligatoires sous peine de sanction.

130000 Alsaciens et Lorrains (les Alsaciens et les Lorrains sont considérés comme « Volksdeutschen ») sont enrôlés dans la Wehrmacht et même dans les WaffenSS

L'expression « malgré-nous » désigne les Alsaciens et Mosellans incorporés de force dans la Wehrmacht, armée régulière allemande, durant la Seconde Guerre mondiale.

À partir de 1945, c’est la fin de l’autonomisme politique

 La plupart des ex-dirigeants autonomistes d’avant guerre sont condamnés en 1947 à des peines allant de la condamnation à mort à l’emprisonnement ou à l’indignité nationale.

L’allemand est interdit dans les écoles, la vie administrative et la presse.


Psychologie des Alsaciens

Le besoin de sécurité contribue à la francisation jacobine des esprits en Alsace et à la surenchère patriotique française, les Alsaciens se voulant plus « français » que les « Français et l’affichant le 14 juillet avec une marée de drapeaux tricolores et le vote massif pour les partis français de droite et d’extrême droite.

L'alternance de la domination de deux impérialismes concurrents, le français et l’allemand, le fait pour l’Alsace d'être toujours sur la ligne de front, la crainte permanente de la guerre, les mesures prises par les Français et les Allemands pour franciser ou prussifier la population alsacienne, ont laissé des traces. Qui ne compte dans sa famille des victimes de la guerre ? La réintégration de l'Alsace dans la République ne s'est pas faite sans difficulté. La perception du dialecte alsacien, très proche de l'allemand standard appelé Hochdeutsch, a entraîné de nombreuses maladresses, mal acceptées par la population alsacienne.

Évolution institutionnelle de l’Alsace

  1956 : création de la « région de programme d'Alsace ».

 1982 : la loi de décentralisation du 2 mars 1982 crée les régions françaises comme collectivités territoriales de la République française, la région Alsace est créée avec les deux départements du Rhin.

  7 avril 2013 : référendum sur la création d'une collectivité unique alsacienne par fusion de la région Alsace et des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin. Dans le Haut-Rhin le "Non" l'emporte tandis que dans le Bas-Rhin le "Oui" est majoritaire mais n'atteint pas le seuil requis de 25% des électeurs inscrits.

  1er janvier 2016 : l'Alsace entre dans la nouvelle région  avec la Lorraine et la Champagne-Ardenne lors de la réforme territoriale.

  1er janvier 2021 : création de la collectivité européenne d'Alsace qui résulte de la fusion des conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Les deux départements continuent cependant à exister en tant que circonscriptions administratives de l’État. Cette nouvelle collectivité dispose des compétences des départements mais aussi de compétences particulières, notamment en matière de coopération transfrontalière, de bilinguisme, de transports et d'organismes professionnels. Correspondant géographiquement à l'ancienne région Alsace, elle continue à faire partie de la région Grand Est.

Enseignement de l’alsacien et situation linguistique

Dans le but de préserver l'alsacien, il existe depuis 1992 des sections bilingues paritaires en Alsace où l'enseignement est dispensé pour moitié en français et pour moitié en allemand standard. À l'heure actuelle, elles concernent environ seulement 5 % des élèves ! Au lycée, les élèves peuvent passer l'abibac. L'alsacien peut être parlé en maternelle et enseigné ou parlé en primaire. Cependant, l'écrit est en allemand. Une partie de la population alsacienne parle encore aujourd'hui couramment l'alsacien mais le nombre de locuteurs régresse.

La reconquête

La reconquête de l’identité alsacienne après la guerre a avancé lentement et s’est cantonnée au domaine culturel avec la création du Cercle René Shickele qui milite pour le bilinguisme franco-allemand. La nouvelle génération née après la guerre a cherché à retrouver ses racines. Les nouveaux partis régionalistes alsaciens (le mot autonomiste sentant le souffre est évité) qui apparurent dans les années 1970, évitèrent soigneusement la politique traditionnelle. Ils étaient écologistes et fédéralistes européens, l’autonomie devant conduire à « l’Europe des 100 drapeaux ».

Les partis régionalistes alsaciens en 2021

Il y en a surtout deux :

Alsace d’abord

http://www.alsacedabord.org/le-mouvement/le-programme/

Son programme est un programme autonomiste classique mais sa préoccupation pour l’immigration extra-européenne en Alsace, particulièrement en provenance de pays musulmans et son refus d’accorder le statut concordataire à l’islam le font considérer comme parti identitaire d’extrême droite.

Unser Land

https://www.unserland.org/page/1120324-accueil-startseite

Unser Land, « mouvement alsacien », est un parti politique alsacien, qui se fonde sur des principes fédéralistes et autonomistes. Il est membre de la fédération Régions et peuples solidaires et de l'Alliance libre européenne. De tendance centriste et écologiste, il s'oppose au parti régionaliste d'extrême droite Alsace d'abord. Les seuls mandats politiques détenus actuellement par ses membres sont au niveau municipal et communautaire. Il arbore les couleurs rouge et blanc du drapeau historique alsacien

Voici un extrait de son programme :

« Tout le monde en convient, l’Alsace possède une histoire, une culture et une langue différentes du reste de la France. L’Alsace forme en fait une nation, c’est-à-dire une communauté humaine ayant conscience d’être unie par une identité historique, culturelle et linguistique et manifestant la volonté de vivre ensemble.

En 1911, l’Alsace-Lorraine disposait déjà d’un statut autonome et d’une constitution. Selon l’historien Bernard Vogler, c’était alors le régime le plus favorable que l’Alsace ait jamais connu. Aujourd’hui, dans la totalité des pays européens, il existe des régions disposant de statuts d’autonomie, sauf en France.

RENDEZ-NOUS NOTRE PARLEMENT !

La France est un pays centralisé et jacobin, où toutes les décisions importantes sont prises à Paris par quelques personnes. À l’échelle locale, l’État multiplie les structures administratives sans réel pouvoir afin de « diviser pour mieux régner ». Ce système assure la domination du pouvoir central sur les régions. Il favorise en outre l’inaction, le gaspillage et l’irresponsabilité politique.

L’Alsace doit se libérer de ce carcan et prendre son destin en main. Nous voulons une organisation simple, démocratique et efficace. L’Alsace doit devenir un territoire autonome organisé autour de trois échelons : la région, les pays, les communes. Toutes les autres structures doivent être fusionnées dans le nouvel ensemble.

Nous voulons une véritable démocratie locale et participative à l’instar de nos voisins européens. Cette démocratie sera organisée autour d’un Parlement d’Alsace, d’un gouvernement et d’une administration propres. Notre Droit Local sera étendu et complété par une véritable Constitution. Les citoyens pourront également donner directement leur avis grâce à des référendums d’initiative populaire.

Ces évolutions se feront tout d’abord dans le cadre français. À terme, l’Alsace sera dotée d’un statut européen qui lui permettra de jouer enfin son rôle de région rhénane et de carrefour européen.

Conclusion

Coincée entre la république française et la république fédérale allemande, l’Alsace se trouve le cul entre deux chaises. Les compétences très limitées des départements français font que la création de la collectivité européenne d’Alsace au 1er janvier 2021 est très loin de rendre l’Alsace autonome malgré de timides avancées. L’État jacobin français qui refuse d’accorder l’autonomie à la Corse, ne l’accordera pas à l’Alsace. Il exclut même de lui permettre de quitter l’informe région Grand Est.

L’enseignement généralisé de l’allemand en Alsace permettrait à de nombreux Alsaciens de trouver un emploi de l’autre côté du Rhin or l’enseignement de l’allemand est en perte de vitesse et pas seulement en Alsace comme du reste celui de toutes les langues de France en raison de la calamiteuse réforme du lycée du ministre Blanquer.

L’aliénation ethnique des Alsaciens due à un passé tourmenté et douloureux fait que les Alsaciens ne peuvent pas admettre leur appartenance ethnolinguistique à la nation allemande et l’idée même qu’un jour ils pourraient y être rattachés leur est insupportable. Alors, dans une fuite en avant, on déclare que l’Alsace est une nation et le dialecte alsacien une langue sans pour autant réclamer son indépendance et on compte sur « l’Europe des 100 drapeaux » pour résoudre le problème mais pour l’instant, nous avons une Europe des États qui refuse de s’ingérer dans les affaires dites « internes » de ses membres comme le montre l’affaire de la Catalogne.

Au Parti de la Nation Occitane, nous sommes ethnistes et nous avons fait une analyse et des propositions pour  la nation allemande dans l’atlas ethnolinguistique La Clef (1), malheureusement épuisé. En même temps, nous sommes réalistes. C’est aux Alsaciens de décider de leur propre avenir.

Et puis, en tant qu’Agenais et Aquitains, le sort de l’Alsace, dont nous avons accueilli les réfugiés https://fr.timesofisrael.com/il-y-a-80-ans-lexil-interieur-des-alsaciens-dans-le-sud-ouest/   de la deuxième guerre mondiale, ne nous est pas indifférent. Beaucoup ont fait souche et les racines gasconnes et alsaciennes coexistent sans problème chez leurs descendants.

JP Hilaire, coprésident du PNO

1/02/21

(1) Cet atlas comporte un excellent article de notre ami Jean Castèla sur la Corse, bien qu’assez ancien, dont je me suis inspiré en partie ainsi que de : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alsace

L’État français et quelques unes de ses colonies...

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Tag(s) : #Actualités, #Tribune libre
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