Réaction suite à l'article de Janine Caze sur les Vegans
SOUTIEN À JOANINA
1) Je me présente :
- j'habite un petit village de 1300 âmes (pour ceux qui en ont une) dans le Pais Niçard ;
- je mange le moins possible de viande et je n'aime pas trop le poisson ;
- je cultive plusieurs hectares d'oliviers, de châtaigniers, de fruitiers et de maraîchage en bio et, de plus en plus, en agroforesterie et en permaculture ;
- je ne parviens pas à tuer les animaux et je n'utilise aucun pesticide, même pas ceux qui sont autorisés en bio ;
- je suis scandalisé par le sort des animaux de boucherie et encore plus par les conditions de leur transport ;
- j'utilise divers fumiers et composts, ce qui suppose un minimum d'élevage ;
- j'ai été le dernier dans mon village (horresco referens) à bastejar embe d'ases (que me semblàvon pas tròup maluroses) sus de dràiras en terra, ce qui m'a évité la construction d'une route goudronnée (au pétrole) ;
- sur mes terres, la biodiversité est à son maximum, notamment les plantes et les insectes ;
- mes ruches, dont je récolte le miel, servent aussi à améliorer ma production fruitière et j'aimerais que les végans m'indiquent un moyen naturel d'éliminer les frelons asiatiques.
2) Je me crois écolo et c'est à ce titre que je me sens, à tort ou à raison, agressé par les condamnations véganiennes (ou véganistes ?).
- J'aimerais bien passer à la culture attelée, mais le moralisme végan voudrait m'interdire d'exploiter les équidés : je devrais donc continuer à utiliser de l'énergie thermique polluante.
- Mes cultures sont régulièrement ravagées par des sangliers et des cervidés : il me faut donc les protéger au moyen de clôtures électriques fonctionnant grâce aux centrales nucléaires.
- Je préfère (quelle honte !) des chaussures en cuir plutôt qu'en dérivés du pétrole.
- Je sais que nos montagnes ne pourront (à plus forte raison avec le changement climatique) éviter les incendies "de forêts" récurrents (et aboutissant à la désertification progressive) que grâce à une réinstallation des éleveurs (à moins que les végans ne se portent volontaires pour venir débroussailler).
- Je me demande ce que les végans pourraient bien manger comme végétaux (fruits et légumes) si les paysans ne défendaient par leurs cultures, éventuellement par la chasse et, en tout état de cause, je les invite à tenter de produire eux-mêmes leur alimentation non pas dans le jardin clôturé d'un lotissement créé sur les meilleures terres, mais sur une superficie adaptée à une production professionnelle et dans des conditions agronomiques plus ingrates.
- Je ne trouve pas anti-écolo de consommer la viande de rongeurs (lapins) qui se sont nourris de ce que les hommes n'auraient pas pu assimiler (même si je ne le fais pas moi-même).
- Chez nous les chasseurs sont les seuls à entretenir les chemins muletiers et, à ma connaissance, les randonneurs végans ne s'y promènent pas avec sécateur, faucille ou machette à la ceinture ou magalh sus l'espala.
- Je préfère, si je n'ai sous la main ni coton (si gourmand en eau), ni lin, ni chanvre (qui ne pousse bien que grâce à la colombine [= fumier de pigeons]), la laine aux textiles synthétiques.
- Je ne suis pas opposé à une décroissance (sans doute nécessaire) pourvu qu'il ne s'agisse pas de réduire drastiquement et brusquement - par la famine - la population mondiale.
- En tant qu'ancien prof de philo, je m'interroge sur les excès robespierristes de tous les Pol Pot de salon qui campent sur leur rigorisme idéologique au détriment d'une indispensable empathie; je crains bien que certains d'entre eux n'aiment pas l'humanité.
- Je me méfie de plus en plus des prétentieux donneurs de leçons et je condamne comme Raimu "ceux qui vendent des outils mais qui ne s'en servent pas".
- En somme, autant
* j'accepte volontiers le végétarisme,
* je comprends les raisons qui peuvent inciter au végétalisme,
* je soutiens le combat de ceux qui militent pour un traitement "humain" des mammifères,
* autant je condamne certains excès comme anti écologistes et je crains bien que la consommation végan ne s'appuie sur la pétrochimie, les engrais chimiques, les transports internationaux et l'exploitation des peuples producteurs.
Je suis convaincu que les terroirs montagneux occitans ne sont protégés que par les efforts incessants des agriculteurs, éleveurs et forestiers et que l'exode rural y est générateur de désertification et de catastrophes "naturelles".
Il va de soi que ces quelques lignes ne représentent que mes réactions personnelles face à l'expansion de la bêtise et de la mauvaise foi et ne sauraient engager le PNO.
Bernard FRUCHIER