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Suite à notre publication récente de la Charte du Front International de Décolonisation, il n’est pas inutile de relire un texte du Lugarn 24 de 1986 intitulé : « La France a -t-elle encore un empire ? ». Dans le contexte actuel, il garde une certaine actualité.

La rédaction du Lugar 20/02/25

LA FRANCE A-T-ELLE ENCORE UN EMPIRE ?

Le sénateur RPR, Charles Pasqua, d'origine corse, déclarait en substance lors d'une visite en Nouvelle Calédonie que la défense de Nouméa (la ville la plus importante du territoire), commençait à Bastia, assimilant les nationalistes corses aux indépendantistes kanaks qu'il convenait d'empêcher de porter atteinte à l'unité française. Les événements de Nouvelle Calédonie et la lamentable affaire Greenpeace ont braqué les projecteurs sur une partie des territoires contrôlés par l'État français dans l'Océan Pacifique. Certains auront peut-être découvert à cette occasion que la décolonisation ne s'est pas achevée dans les années soixante. En fait, ces territoires représentent la superficie globale non négligeable de 117752 km². Ils comprennent la Nouvelle Calédonie (19058 km²), la Polynésie « française » (4200 km²), espace maritime aussi vaste que l’Europe géographique, Wallis et Futuna (240 km²), tous situés dans l'océan Pacifique, la Guyane (91000 km²), la Martinique (1100 km²) dans l'océan Atlantique, et l'île Mayotte (374 km²) dans l'océan Indien. Pour des raisons que nous expliquerons plus loin, nous ne considérons pas comme des colonies St Pierre et Miquelon, St Barthélémy et l'île de La Réunion. Quant aux terres australes et antarctiques, ce sont des territoires inhabités qui n'abritent que des chercheurs scientifiques. L’État français administre encore tous ces territoires pour des raisons géostratégiques mais aussi économiques. La Nouvelle Calédonie pourrait, François Mitterrand l'a annoncé, être dotée d'une importante base militaire dans une région du monde où la France est en concurrence avec les USA et l'Australie. La Polynésie « française » sert de centre d'expérimentation pour la force de frappe nucléaire. La Guyane, avec le Centre d'Essais Spatiaux de Kourou, représente un débouché vital pour l'industrie spatiale française. La France est de ce fait une puissance avec laquelle les USA, surtout dans le Pacifique, doivent compter.

Car eux aussi ont leur empire avec Hawaï, 50ème État de l'union depuis 1959, les îles de Guam et de Samoa sous administration directe et de multiples États associés. Les bases militaires et les centres de télécommunication y abondent. Quant à l'Australie, elle voudrait bien prendre sous sa protection intéressée les terres « françaises » du Pacifique. Mais la montée inéluctable des mouvements de libération nationale dans ces régions du monde pourrait bien remettre les pendules à l'heure de la décolonisation.

CONFÉRENCE DES DERNIÈRES COLONIES FRANÇAISES

La première conférence des dernières colonies françaises réunie en Guadeloupe du 5 au 7 avril dernier (1986) est un signe. Elle a rassemblé des mouvements indépendantistes de Guadeloupe, de Guyane, de Nouvelle Calédonie, de Mayotte, etc. qui se sont découverts comme points communs le refus de leur statut territorial, la volonté de trouver leur voie propre de développement et le non alignement : c'est-à-dire pour les Polynésiens et les Kanaks le refus du colonialisme nucléaire américain et français et chez les Martiniquais et Guadeloupéens le refus à la fois du modèle cubain et américain.

SITUATION ACTUELLE

La Guyane s'étend entre le Brésil au Sud et le Surinam à l'Ouest. La faible population de la Guyane (1 hab./km²) est ethniquement très divisée. Elle compte 66 % de Noirs des Antilles, des Kwas plus ou moins métissés parlant créole, 12 % de « Français » métropolitains, environ 10 % d'Amérindiens d'ethnie karib et arawak sur la côte, jivaro et guarani dans l'arrière-pays. Les Noirs de la forêt dits « Marrons » descendants des esclaves évadés vivent tribalement le long du fleuve Maroni. Ils ne sont que quelques milliers et parlent un créole à base d'anglais, de français, de néerlandais, de portugais, mais conservant un système de tons comme dans les langues africaines. On compte également quelques Libanais et Chinois du sud (Cantonais) arrivés au 19ème siècle, une petite communauté indonésienne venue du Surinam en 1952. En 1979 l'installation d'un millier de Hmong du Cambodge et plus tard de Brésiliens et d’Haïtiens a aggravé les contradictions ethniques (20000 environ). Les Noirs demeurent majoritaires mais se sentent menacés et ont des problèmes d'identité. Le Conseil Régional élu en février 1983 dans le cadre de la loi de décentralisation est dominé par le Parti Socialiste Guyanais, partisan de l'autonomie interne, et ses alliés, mais le Conseil Général est contrôlé par l'opposition... Une liste indépendantiste avait obtenu environ 10 % des voix aux élections régionales et trois élus. L'Union des Travailleurs Guyanais, syndicat majoritaire, est indépendantiste. Quant au PANGA (Parti Nationaliste de Guyanais anticolonialistes et antiimpérialistes) créé en janvier 1985 et présent à la conférence des dernières colonies françaises, son influence semble encore très modeste. Les Amérindiens bougent aussi. Félix Tiuka, un de leurs représentants, a dénoncé au cours d'un rassemblement auquel assistait le tout Cayenne en décembre 84 l'oppression française, et revendiqué la terre pour les premiers occupants. Mais le poids numérique des Amérindiens ne leur permettra pas de jouer un rôle déterminant dans l'avenir de la Guyane. Les Indépendantistes guyanais sont plus préoccupés par la présence du CES (Centre d'Essais Spatiaux) de Kourou et la fascination qu'il exerce sur les jeunes, invités à s'acculturer et à s'assimiler à la France technologique qui gagne. De toute manière le destin de la population de la Guyane est indissociable de celui de ses frères de la Guadeloupe et de la Martinique.

Les Antilles françaises

La Guadeloupe : la population de 328000 habitants est composée essentiellement de Noirs Kwas descendants d'esclaves plus ou moins métissés qui parlent un créole à base de français. La population d'origine des Indiens karib avait été exterminée et assimilée au 17ème siècle. L'esclavage n'a été supprimé qu'en 1848 après une révolte d'esclaves. Les Blancs se divisent en 2 groupes, les békés planteurs, pieds-noirs locaux, quelques milliers à peine, et les européens de la métropole dont beaucoup de fonctionnaires attirés par la prime de 40 % qu'ils perçoivent en plus de leur salaire. La Guadeloupe a fait parler d'elle dans les années 60 avec l’apparition de partis indépendantistes radicaux tels que le GONG (Groupe d'Organisation Nationale de la Guadeloupe). À la suite des violences des 26 et 27 mars 1967 à Pointe à Pitre, 13 nationalistes sont jugés par la Cour de Sûreté de l'État (supprimée depuis 1981). Plus récemment le GLA et l'ARC (Alliance révolutionnaire Caraïbe, indépendantiste clandestine) a signé plusieurs attentats dont celui de la préfecture de Bonne Terre le 14 novembre 1983 qui a fait 23 blessés. L'ARC a été dissoute le 3 mai 1984.

C'est maintenant l'UPIG (Union Populaire pour la Libération de la Guadeloupe) qui a le vent en poupe, relayée par Radio Tambour, la radio indépendantiste et Radio Unité. L'UPIG et les amis de Luc Reinette fondateur du MPGI (Mouvement pour une Guadeloupe Indépendante) se sont servis du procès de ce dernier comme tribune pour l'indépendance de la Guadeloupe (décembre 84- janvier 85) dans la salle d'audience et au dehors en provoquant des incidents de rue. L'UPIG, hôte de la conférence des dernières colonies françaises, est bien enracinée en milieu paysan avec l'UTA (Union des Travailleurs Agricoles) pour les salariés agricoles et l'UPO (Union des Paysans de la Guadeloupe) pour les paysans pauvres. Elle a toujours refusé de participer aux consultations électorales en raison de son rejet du cadre départemental. On a pu remarquer que lorsque l'UPIG faisait campagne pour l'abstention, son taux dans les campagnes pouvait atteindre 70 %. Pour l'UPIG le rôle de premier plan joué par le FLNKS en Nouvelle Calédonie est un encouragement et un espoir, mais elle n'a pas comme celui-ci réussi à créer un front avec les autres forces indépendantistes.

La Martinique : la population sensiblement égale à celle de la Guadeloupe, a la même composition ethnique. Aimé Césaire, maire de Fort de France et membre du PCF quitte ce dernier à la suite des événements de Hongrie en 1956. Il fonde en mars 1958 le Parti Progressiste Martiniquais autonomiste. Influencé par les idées du remarquable écrivain martiniquais Frantz Fanon, le courant indépendantiste y est très présent avec le Mouvement Indépendantiste Martiniquais, le Conseil National des Comités populaires, actif dans le monde paysan. Le chef du MIM, Monsieur Alfred Marie Jeanne, maire de Rivière Pilote, assistait à la conférence déjà citée. Toutefois il faut reconnaître que le PPM tient encore le haut du pavé.

La Polynésie « française » : sur ses 100000 habitants, 25 % sont européens, 10 % asiatiques (chiffres de 76 !). Les autres : les autochtones sont maoris comme leurs voisins de Nouvelle Zélande et de Wallis et Futuna. Ils sont répartis en quatre archipels : les îles de la Société, Tuamotu, Gambier, Marquises et Australes, soit 42 000 km² de terres (la moitié de la Corse) sur plus de 150 îles. L'île principale et la mieux connue est Tahiti dans l'archipel de la Société. Elle rassemble 50 % de la population. En Polynésie, la colonisation, c'est avant tout le Centre d'Expérimentation du Pacifique, base des essais atomiques français (Atoll de Mururoa). Les indépendantistes ont perdu leur position majoritaire des années 50 et 60 bien que leurs leaders Pouvanaa et Teariki restent influents. Mais là comme en Guyane le CPE met en danger le mode de vie autochtone et ses valeurs culturelles et morales. Les sirènes du mode de vie occidental ont plus d'écho pour les jeunes. Le réveil risque d'être d'autant plus difficile. Parmi les mouvements indépendantistes, le Front de Libération de la Polynésie, le TTT (Taaka Tahiti Tiama) de Charlie Ching très radical, Pomaré Pati qui représente l'ancienne famille royale tahitienne et la Mana Te Nunaa qui donne la priorité à la lutte anti-nucléaire non violente. L'organisation écologiste internationale Greenpeace avait annoncé lors de sa campagne de harcèlement contre les essais nucléaires français cet automne son intention de faire débarquer sur l'atoll de Mururoa, les Polynésiens en pirogue pour protester contre les essais. Était-ce seulement un coup de bluff ? Dans le cas contraire, cette démonstration n'aurait pas manqué d'intérêt pour mesurer le degré de conscience des autochtones.

Il faudrait dire un mot de la loi du 6 septembre 1984 qui définit le statut du territoire. L'État français a accordé l'autonomie interne à la Polynésie le 6 septembre 1984. Toutefois comme le contrôle de l'immigration et le contrôle des étrangers, le trésor et le crédit, les matières premières stratégiques et le contrôle des programmes d'enseignement échappent au territoire, la portée de cette autonomie décaféinée est limitée.

Wallis (Ouvéa en maori) et Futuna 

Ces deux îles situées à 2000 km de Nouméa et 3000 km de Tahiti n'abritent que 12000 habitants en majorité maoris. Étant donné la pauvreté du territoire, une importante émigration a eu lieu vers la Nouvelle Calédonie pour travailler dans les mines de nickel. Coincés entre les caldoches et les kanaks, leur situation est inconfortable. Si beaucoup se rallient aux partisans de la Calédonie française, c'est par peur d'être expulsés d'une Kanaky indépendante. Sur place, il n'existe pas à notre connaissance de mouvement indépendantiste. Il n'en demeure pas moins que ces îles comme la Polynésie française et les îles Samoa sous contrôle des USA appartiennent au même ensemble ethnique et si les Maoris sont éparpillés et administrés par plusieurs États, c'est le résultat de la colonisation qui en général se soucie des réalités ethniques comme d'une guigne.

La Nouvelle Calédonie

Entre l'Australie et la Nouvelle Zélande, cet archipel comprend la Grande Terre, l'île des Pins et les îles Loyauté. Les 145000 habitants sont ethniquement hétérogènes : 54000 blancs dont quelques milliers venus de la métropole comme fonctionnaires et les autres dits caldoches venus au 19ème siècle de Bretagne, d'Alsace et d'Auvergne notamment. 12000 Maoris de Wallis et Futuna, 5600 Maoris de Tahiti, 5000 Malais et Javanais, 1212 Fidjiens de Vanuatu, des Vietnamiens et des Chinois. Les 61870 kanaks font partie des peuples austronésiens au même titre que leurs voisins fidjiens et maoris. On peut s'étonner de l'importance de la population allogène en Nouvelle Calédonie. Il faut savoir que c'est le résultat d'une politique délibérée de l'État français : Pierre Messmer, 1er ministre de Pompidou écrivait le 19 juillet 1972 à M Deniau, secrétaire d'État aux DOM-TOM : « La présidence française en Calédonie ne peut être menacée, sauf guerre mondiale, que par une revendication nationaliste de populations autochtones appuyées par quelques alliés éventuels dans d'autres communautés ethniques venant du Pacifique... À court et à moyen terme, l'immigration massive de citoyens français métropolitains ou originaires des départements d'outre-mer (Réunion) devrait permettre d'éviter ce danger, en maintenant et en améliorant le rapport numérique des communautés ». Message reçu cinq sur cinq. Aujourd'hui les Kanaks sont minoritaires sur leur propre terre.

Il est incontestable que le Front National de Libération Kanak et Socialiste (FLNKS) est le représentant légitime des kanaks. Mais ce front n'existe que depuis 1984. Un rappel historique s'impose. En 1976 le Parti de Libération Kanake (PALIKA) est créé. En 1979 le Front Indépendantiste (UPM, FULK et PALIKA) a pour plate-forme l'indépendance politique, économique et culturelle, une position anticapitaliste et anti-impérialiste, le développement autocentré et la reprise des terres des tribus. En 1981 le PALIKA se scinde en deux avec d'une part le Parti de Libération Kanake Socialiste LKS) qui reste dans le Front Indépendantiste et d'autre part le PALIKA « maintenu » qui le quitte. En 1984 le Front Indépendantiste se dissout et cède la place à un regroupement plus radical, le FNLKS qui comprend l'UC, le FULK, l'UPM, le PSC, le PALIKA et l'Union Syndicale des Travailleurs exploités. Le LKS reste en dehors, continue de participer aux institutions et refuse de boycott des élections territoriales du 18 novembre 1984 prôné par le FNLKS. Ces élections donnent six sièges au LKS, les autres revenant presque tous au RPCR (succursale locale du RPR). Depuis le gouvernement français a divisé la Nouvelle Calédonie en 4 régions et organisé de nouvelles élections le 29 septembre dernier. Cette fois le FNLKS participait au scrutin et les indépendantistes, toutes tendances confondues, ont obtenu 35,18 % des suffrages et le contrôle de trois régions sur quatre, seule la région Nouméa restant dominée par le RPCR.

Au cas où elle reviendrait au pouvoir en mars 1986, la droite française a promis aux caldoches d'organiser un référendum sur le maintien du territoire dans l'État français dont le résultat étant donné les rapports globaux de population ne fait pas l'ombre d'un doute. Mais les Français ne peuvent plus tenir le FNLKS pour quantité négligeable ; ce dernier pourrait boycotter un tel scrutin et se lancer dans un activisme plus musclé. Ou les Français et leurs valets locaux (Ukeiwé) accepteront de dialoguer avec les indépendantistes ou bien ils resteront intransigeants et risquent alors de connaître le soit des pieds noirs en Algérie.

Ce qui inquiète le plus les indépendantistes kanaks ce sont les projets du gouvernement en matière militaire pour la Nouvelle Calédonie. Si celle-ci devait devenir une importante base militaire, cela aurait les mêmes effets destructeurs sur les Kanaks que le centre de Kourou en Guyane ou le centre d'essais nucléaires en Polynésie.

Mayotte

Située dans l'océan indien entre Madagascar et Zanzibar, cette île fait partie de l'archipel des Comores avec la Grande Comore, Mohéli et Anjouan. Les 50000 habitants sont pour la plupart d'origine africaine avec du sang malais et arabe, d'ethnie swahéli. Alors que les trois autres îles de l'archipel consultées par référendum en 1974 se sont prononcées pour l'indépendance et sont indépendantes depuis 1975, Mayotte a majoritairement choisi de rester française avec le statut de collectivité spéciale accordé en 1976. Pourquoi ce choix à priori surprenant ? C'est un choix tactique, les Mahorais ne voulant pas être soumis à un État comorien suspecté de vouloir les exploiter. Si Paris avait favorisé à Moroni le pouvoir politique indépendant inspirant confiance à Mayotte, elle ne serait pas restée française. Or le tristement célèbre Jacques Foccart conseilla de miser sur Ahmed Abdallah, richissime commerçant et dictateur dans l'âme. Le mouvement Populaire Mahorais, partisan du maintien de Mayotte dans l'État français fit habilement monter les enchères plus par hostilité à un régime dirigé par Abdallah que par fidélité à la métropole. Abdallah qui s'était vu promettre par Giscard d'Estaing avant l'élection présidentielle de 1974 le lâchage de Mayotte en échange du bon choix des Comoriens, fut berné. Le 6 juillet 1975 il proclamait unilatéralement l'indépendance des Comores. Aussitôt les Mahorais se plaçaient sous la protection de la France. Le 3 août 1975, Abdallah était renversé par un coup d’État de l'opposition. Il devait reprendre le pouvoir en 1977 à l'issue d'un nouveau coup d'État. Il est certain que son régime despotique sert plutôt de repoussoir et que la tâche des nationalistes à Mayotte ne s'en trouve pas facilitée. Le Front Démocratique des Comores était représenté à la conférence des indépendantistes en Guadeloupe en la personne de Serge Sinamale, son secrétaire politique.

LES TERRITOIRES QUI DOIVENT RESTER FRANÇAIS

Saint Barthélémy

Cette île inhabitée a été occupée par les français en 1648 puis vendue à la Suède en 1784 et restituée à la France en 1877 après un plébiscite. D'une superficie d'environ 25 km² elle se trouve au Nord-Ouest de la Guadeloupe. La population d'origine est française et la population actuelle (environ 3000 habitants) aussi. Ce n'est donc pas une colonie et son cas est différent de celui de la Guadeloupe.

Saint Pierre et Miquelon

Ce sont deux îles dans l'Atlantique Nord à 25 km au sud de Terre-Neuve. Les 6000 habitants sont des descendants de Bretons, Français de Normandie et Basques venus d'Acadie, région de Nouvelle France appelée aujourd'hui Nouvelle Écosse. Ces îles auparavant désertes se trouvent dans le même cas que Saint Barthélémy.

La Réunion

À 700 km au nord de Madagascar dans l'Océan Indien, l'île de La Réunion découverte par les Portugais au début du 16ème siècle et occupée en 1665 par la Compagnie Française des Indes, était vide de tout occupant. Elle a été peuplée d'abord par des Français, puis des Anglais et des Portugais qui ont fait venir des esclaves d'Afrique. Au nom du principe selon lequel la terre appartient aux premiers occupants, on ne peut considérer La Réunion comme un territoire ayant vocation à être décolonisé. Les Swahélis et les Malgaches de La Réunion ne sont que des pièces rapportées. Pour une fois, nous serons d'accord avec Michel Debré.

LES PERSPECTIVES

Les mouvements indépendantistes des territoires dont nous venons de parler sont de force inégale. Même là où ils sont bien implantés et majoritaires comme en Nouvelle Calédonie, il s'agit d'un phénomène récent. Certes, il est facile de dénoncer le mode de développement occidental dont l'échec est patent aux Antilles avec la dégringolade de la canne à sucre et en Nouvelle Calédonie avec la chute sévère de l'exploitation du nickel. Le trait général commun de tous les DOM-TOM ou presque est la dépendance par rapport à l'État français : subventions, pensions, allocations chômage, prime de 40 % pour les fonctionnaires. Ceci a pour conséquence un niveau de vie artificiellement élevé en comparaison des pays voisins indépendants que ce soit dans les Caraïbes ou le Pacifique. La question est de savoir si les populations concernées sont prêtes à accepter une diminution de leur train de vie, bien inférieur du reste à celui de la métropole pour accéder à la dignité de citoyens d'États nationaux indépendants, qui à tout le moins dans le cas de la Guyane et des Antilles et de la Polynésie ne seraient viables que regroupés. Les mouvements indépendantistes n'éludent pas la question, ils ont choisi de dire la vérité à leurs peuples.

Nous avons aussi évoqué les ambitions géostratégiques de la France surtout en Guyane et dans le Pacifique, et le danger d'assimilation culturelle qu'elles représentent. La rivalité de puissances grandes et moyennes dans ces zones de la planète rendra difficile à appliquer le principe rigoureux de non-alignement adopté par la plupart des mouvements indépendantistes. Les USA surveillent de près ce qui se passe dans leur arrière-cour. S'il fallait une preuve, on pourrait citer le cas de la Grenade. Ils seraient trop heureux de combler le vide éventuel laissé par la France dans le Pacifique. L'Australie qui fait la morale à l'État français a accepté voici quelques années que les essais nucléaires britanniques se déroulent sur son sol et maltraite passablement ses aborigènes. Malgré toutes ces difficultés, l'indépendance de ces dernières colonies françaises est possible et souhaitable à terme. Leurs mouvements de libération se doivent d'être lucides et de parier sur la coopération avec les voisins indépendants de Papouasie, Nouvelle Guinée, Îles Fidji, Salomon et Vanuatu pour le Pacifique et les autres îles des Antilles pour l'Atlantique.

Un signe avant-coureur de cette opération future a été la conférence internationale organisée à Vila (Vanuatu) en 1983 par la « Coalition pour un Pacifique dénucléarisé et indépendant » qui a déclaré son soutien aux indépendantistes kanaks, son hostilité aux essais nucléaires français en Polynésie, son appui aux revendications foncières des aborigènes d'Australie, des Maoris de Nouvelle Zélande et aux campagnes des Philippins de Guam contre la militarisation de l'archipel par les USA. Quant aux mouvements de libération nationale dans l'hexagone, l'émancipation de ces peuples d'outre-mer servirait leurs intérêts.

Même si nous sommes beaucoup plus près de la métropole, nous sommes aussi une colonie. Les Occitans constituent une nation avec sa langue propre, comme les Bretons, les Basques, etc... Toute nation a droit à son État indépendant, l'Occitanie aussi bien que la Kanaky. C'est le sens de l'histoire, aucun empire n'est éternel.

L'État français est un État colonial. La France ethnique ne s'arrête pas aux frontières de l'hexagone et si elle ne comprend pas la Bretagne, le Pays basque, la Catalogne Nord, l'Occitanie, la Corse, l'Alsace alémanique, la Lorraine thioise et le Westhoek flamand, elle englobe par contre la Wallonie, la Suisse romande, le Val d'Aoste, le Québec, la Réunion, St Pierre et Miquelon et St Barthélémy. Être ethniste, c'est revendiquer pour la nation française comme pour la nation occitane le droit à l'unité dans un État indépendant aux frontières ethniquement justes.

Jean-Pierre Alari

Agen, 11 novembre 1986

L'État français est un État colonial

L'État français est un État colonial

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