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Bilan de la présence occitane
au sein du mouvement social contre le projet de réforme des retraites en France de 2023

Le mouvement social contre le projet de réforme des retraites arrive à son terme, la loi est adoptée et validée, dont acte.

Abstraction faite du fond, sur la forme, ce type de mouvement est intéressant car il nous donne une petite idée de l'occitanité dans un échantillon représentatif de la population réelle.

Le manifestant lambda appartient à la classe moyenne, actifs ou futurs actifs (étudiants).

Pas ou peu de retraités.

Pas ou peu d'habitants de banlieues défavorisées.

Pas ou peu de cadres sups, de "bénéficiaires de la croissance", habitants aisés de l'hypercentre gentrifié des grandes villes, électorat macroniste avéré.

Sur le fond, il y a une pertinence occitaniste à être du côté des manifestants plutôt que du côté du gouvernement, je ne reviens pas sur tous les arguments invoqués, le plus évident en tant que nationalistes occitans étant simplement que le pouvoir politique est confisqué par Paris, c'est à nous de décider au pays, d'où, pour ce, l’idée qui fait son chemin d'une Occitanie indépendante etc etc. et, en attendant, sur le court terme, la révolte dans la rue, ne serait-ce que par principe de résistance salutaire CONTRE la dictature jacobine.

En amont, la langue occitane nous sert de marqueur identitaire pour connaître notre aire d'action (l'Occitanie = territoire de langue d'oc vernaculaire), et la dynamique de la la langue est un reflet de la logique d'un nationalisme occitan crédible : cela va sans dire qu'un nationalisme basé sur sur le souvenir d'une langue éteinte, même si ça a marché une fois (cas particulier et clivant d'Israël) est beaucoup moins légitime que s'il s'appuie sur une langue d'un usage social dynamique (cas du Québec ou de la Catalogne). L’Occitanie, la Bretagne, la Kabylie etc sont dans une situation intermédiaire, avec une langue vernaculaire avérée, mais socialement marginalisée sous l’usage généralisé d’une langue officielle d’État.

Donc, on le sait bien, le nationalisme occitan est naturellement tenu, qu'il le veuille ou non, d'encourager toute initiative culturelle, avec un paradoxe notable : il n'y a pas réciprocité, loin s'en faut, puisque le milieu culturel occitaniste est globalement très allergique au nationalisme ; petite parenthèse à ce propos, un de nos adversaires les plus en vue en ce moment, Benjamin Morel, acte d'ailleurs de ce fait, et va même plus loin dans le cynisme puisque il se dit même favorable à encourager la dynamique culturelle (et donc linguistique) en Occitanie, dans la mesure où elle est selon lui le meilleur remède CONTRE "un éventuel" nationalisme occitan. De fait, quand tu "tapes" sur une communauté (par exemple une ethnie, une "communauté linguistique") par retour de balancier il y a radicalisation (basculement vers un nationalisme ethnique). Benjamin Morel fait ce constat et du coup trouve intéressant le compromis de la dynamique culturelle ultra-locale des "petites patries fidèles à la grande", meilleur vaccin préventif selon lui à une radicalisation occitane de type ethnique anti-universalisme-à-la-sauce-française. Cela va sans dire qu'il y a longtemps que, au PNO, on a fait cette analyse et que l'on explique l'aspect paradoxalement contre-productif d’une dynamique culturelle apolitique comme celle du Castanisme (de la Linha Imaginòt) qui, en étant dans le compromis bienveillant, et avec une certaine efficacité durant disons une dizaine d'années (1992-2002), a discrédité notre alternative nationaliste occitane jugée "suicidaire" parce que trop politique, donc clivante.

Ceci étant, d'une part, le culturel montre ses limites, pas besoin de remuer le couteau dans la plaie pour voir que depuis une vingtaine d'années, malgré quelques progrès symboliques, la langue et la culture occitane régressent, et d'autre part, l'empathie des jacobins comme Morel et les institutions françaises en général pour la culture occitane est très relative. Ne nous voilons pas la face : il s'agit simplement d'une « tolérance salutaire » juste bonne à couper l'herbe sous le pied du nationalisme ethnique en Occitanie, jamais ils n'iraient jusqu'à légiférer et statufier vers un système comparable à celui de l'Espagne ou du Québec, ce n'est donc pas demain la veille que la République française va co-officialiser l'occitan et le breton, ne rêvons pas ! Il faut être réaliste : l'occitan langue officielle dans la Grande Occitanie, compte tenu du poids de l'Histoire et de la façon dont s'est bâti l'État français justement en cimentant son unité par le monolinguisme français, cela ne pourrait donc l'être que dans le cadre d'une Occitanie indépendante. Inimaginable dans le cadre d'une Occitanie française, et ce, même s'il y avait une dynamique culturelle occitane époustouflante (ce qui n'est pas le cas, loin s'en faut). D’ailleurs, si malgré les freins institutionnels par miracle l’on voyait l’émergence spontanée d’une dynamique culturelle occitane, véritablement sociétale à défaut d’être politisée, on peut être persuadé que les gardiens du temple « jacobin » prendraient peur et montreraient beaucoup moins d’empathie pour cet occitanisme culturel, « d’ancrage territorial et à ce titre composant intrinsèque de la grande nation française » qu’ils prétendent apprécier à l’heure actuelle.

Bref, ne pouvant pas vraiment nous appuyer sur la dynamique linguistique et culturelle, d'abord parce-que pas si dynamique que ça, et qu'en plus le milieu culturel occitan justement est légitimiste pro-républicain, sans pour autant la renier, la logique nous invite à légitimer l'émancipation de l'Occitanie sur d'autres critères, en particulier sur l'aspect social et économique.

Chose connue, le parallèle originel du PNO avec le cas algérien : l'Occitanie une colonie, un peu comme l'Algérie, mais plus près de Paris, et beaucoup plus ancienne. Et à ce titre, l'absence criant du décisionnel à un niveau occitan, en particulier pour ce projet de réforme des retraites, décidé unilatéralement par le gouvernement central parisien (49.3 oblige, même les éventuels députés d'Occitanie de la majorité pas emballés de toute façon n'auraient pas leur mot à dire), justifie notre position : être contre ce projet, ne serait-ce que sur une question de forme, c'est être contre le colonialisme étouffant de l'État centraliste français sur les prolétaires exploités occitans que nous sommes.

Le Partit Occitan le premier a réagi dès le 31 janvier, au PNO, nous avons donc publié un communiqué très bien argumenté le 24 mars.

Le bras de fer a finalement été emporté par le gouvernement, ceci dit, il est intéressant sur la forme d'analyser l'aspect des manifestations anti-gouvernementales entre le 31 janvier et le 14 avril, et dans quelle mesure la prise de position des mouvements politiques occitanistes a été suivie par une expression visible dans la rue.

Parce-que c'est au moins un frémissement encourageant : on a pu constater au cours de ces trois derniers mois que cette contestation sociale à un niveau hexagonal s'est accompagnée d'une timide mais bien réelle affirmation identitaire occitane. 

Voici une liste non-exhaustive des lieux où il y a eu une revendication d'obédience occitane nettement visible, drapeaux occitans ou, mieux encore, slogans en occitan :

Albi, Auch, Carcassonne, Clermont-Ferrand*,  Colomiers, Limoges*,  Marseille, Millau Montauban, Narbonne,  Pau*,  Rodez, Toulouse   ...

En GRAS, les villes de l'Occitanie administrative.

* Il faut souligner que en ce qui concerne Clermont-Ferrand, Limoges et Pau, ce sont souvent les militants du Partit Occitan qui ont joint l'acte à la parole (leur communiqué du 31 janvier), c'est à eux que l'on doit au moins en partie la présence d'une certaine "occitanité" au sein de ces manifs ; du moins, le 31 janvier (moins au cours des manifs suivantes).

- Si on ne veut voir que le verre à moitié plein : c'est encourageant, il y a un réel suivi dans la rue en Occitanie des prises de position des partis politiques occitans, on peut espérer y voir une relation de cause à effet, pas un simple hasard.

- En revanche, pour le verre à moitié vide... Si on fait abstraction du militantisme effectif du Partit Occitan le 31 janvier à Clermont-Ferrand, Limoges et Pau, on ne note la présence spontanée de drapeaux ou de slogans en occitan qu'à Marseille (au moins un tag en occitan « Farem tot petar » sur un mur durant cette période) et en Occitanie administrative, Albi, Carcassonne, Montauban, Millau, Rodez et surtout Toulouse.

Deux exceptions notables : Montpellier et Nîmes. Rien d'occitan (du moins de visible) au sein des diverses manifestations dans ces deux villes majeures de l’Occitanie administrative.

Et Nice ? Bordeaux ?  Bayonne ? Valence ? Montélimar ? Toulon ? Aix-en-Provence ? Périgueux ? Agen ? Avignon ? À priori, rien, NADA ! il est décevant de constater qu'aucun militant occitaniste n'a jugé pertinent de participer en s'affirmant en tant que tel aux manifestations anti-gouvernementales dans ces villes occitanes importantes.

Que doit-on en déduire ? que l'affirmation identitaire occitane est jugée sur place inopportune ? ou que l'occitanisme y est absent ? dans un cas comme dans l'autre, on est en droit d'être inquiet, d'autant que sans l'activisme anecdotique par les locaux du Partit Occitan, on pourrait même rajouter Clermont-Ferrand, Limoges et Pau à cette triste liste.

Tribune libre de Jiròni Picas

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Vidéo compilant des images des manifs en Occitanie contre la réforme des retraites (seconde partie, entre le 23 mars et le 13 avril), Marseille, Carcassonne, Montauban, Toulouse :

https://www.youtube.com/watch?v=oWpxWISKk5c

 

Tag(s) : #Actualités, #Tribune libre
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