En ces temps de confinement durant lesquels chacun essaie de les mettre à profit pour se reposer, réfléchir, jouer avec les enfants, lire, cuisiner, etc… certains en profitent pour écrire. C’est le cas de Jacme Pince, fidèle lecteur e collaborateur ariègeois du Lugarn. Il nous a fait l’honneur et le plaisir de nous envoyer ce très beau poème. Un instant de ravissement que nous vous proposons de partager.
Montségur
Fallait-il que nous ôtions leur sens aux mots,
Que le ciel soit rougi et noircie la lumière du jour ?
Fallait-il qu’au-delà des montagnes se perdent nos sanglots,
Que la route s’égare sans pouvoir de détour ?
Fallait-il que le rocher encore brûlant nous redise pourquoi,
Pourquoi depuis hier nous visons en vain d’autres cibles,
Et que notre cri, porteur de trop de voix,
Se meure dans les entrailles des prétentions visibles. ?
Et pourtant, l’aubépine refleurit ; Montségur.
Une fois encore, foule immense des sacrifiés,
Âmes pures de nos rêves au cœur dur,
Pourquoi, comment, pourquoi revenir et pleurer ?
Jusqu’où fallait-il quitter le chemin ?
Laisser derrière nous la beauté éperdue
Des vies qui se rassemblent dans l’éternel destin
De l’Amour qui chante et des sanglots indus.
Le temps n’y fait rien, et si la plaie saigne,
C’est pour exorciser la peur qui nous fait mourir
À la lumière du jour, à l’azur du ciel, au règne
Des grâces bleues qui échappent au désir.
Fallait-il qu’au-delà des montagnes se perdent nos sanglots,
Que la route s’égare, que nous ne voyions plus le silence
Et n’entendions plus les couleurs du monde et des flots ?
Pourrons-nous encore éloigner les distances ?
Et puis, seul, et à genoux, mes yeux vous cherchent,
Mes yeux te cherchent et se nourrissent d’espoir,
Mon cœur vous cherche, mon cœur te cherche,
Et une larme sur la terre choit, comme un sourire au soir.
Jacques Pince (30-03-2020)