Je suis allé à l’inauguration de l’Estivada par devoir plus que par conviction, m’attendant à des discours convenus, en français, des politiques. Bien sûr, ils étaient tous là : le maire de Rodez, le député, la représentante de la région, etc.
Quelle ne fut pas ma surprise ou plutôt mes surprises, car il y en eut plusieurs. À tout seigneur tout honneur, le maire de Rodez prit la parole en français mais son discours était adapté plutôt que traduit littéralement, en occitan de très bonne qualité. Puis il passa la parole à Sarah Vidal, adjointe au maire, qui fit l’effort méritoire de faire son intervention entière en occitan. Bien sûr il ne manqua pas de puristes pour critiquer son occitan hésitant, ses erreurs de prononciation ; au diable les puristes, - quand un élu de la république coloniale française tente de s’exprimer en occitan, j’applaudis des deux mains.
Je n’étais pourtant pas au bout de mes surprises. Il revint à la préfète, représentante éminente de l’État qui nous opprime, de prendre la parole en français comme de bien entendu. Elle ne manqua pas de prononcer « Estivada » à la française, ce que lui fit gentiment remarquer son traducteur. Mais miracle ! Elle conclut son discours par une phrase entière en occitan à peu près convenablement prononcé. Une préfète de la République française une et indivisible avec une seule langue, le français, qui utilise la « lenga nòstra », ce n’est certes pas une première, mais tout de même cela fait chaud au cœur et cela prouve que la pression sociale auprès des élus et du personnel politique en faveur de l’occitan, cela marche en Rouergue comme ailleurs. C’est ce que je ne manquerai pas de dire au maire d’Agen, qui manque singulièrement d’ambition pour notre langue et notre culture. Et plus généralement puisque nous sommes aussi ici pour célébrer le soixantième anniversaire du P.N.O., l’exemple de l’inauguration de l’Estivada 2019 montre que l’émancipation future de la nation occitane ne pourra être le résultat que de l’action conjuguée du peuple occitan et de ses représentants qui suivent le mouvement si on les y pousse. Au fait, à quand une phrase en occitan dans un discours du président de la République ? À quand la république girondine ? À quand des régions avec de vrais pouvoirs et pas seulement sur la langue et la culture ?
Le modèle jacobin français est en crise. Portons-lui l’estocade.
Jean-Pierre Hilaire, coprésident du P.N.O.