Éditorial en français du N° 151 de Lo lugarn
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Dans la majeure partie de l’Occitanie, sous domination française, l’usage social de la langue occitane a maintenant, sauf rares exceptions, quasiment disparu et ce n’est pas par hasard.
À la fin du siècle dernier, l’occitan ne s’entendait déjà plus que très exceptionnellement dans les rues des villes et résistait encore un peu dans le monde rural et sur les marchés fermiers.
Aujourd’hui, dans le premier quart du XXIe siècle, un jeune ou un adulte qui apprend l’occitan ne trouvera guère ou pas d’interlocuteurs en dehors des cercles et institutions militantes.
La génération dont c’est la langue maternelle, quand bien même elle l’a entendue en famille, ne l’a pas transmise par honte ou conviction utilitariste. Et aura bientôt disparu.
D’ailleurs, les élèves de l’enseignement public et privé ou les adultes qui font l’effort de l’apprendre représentent une goutte d’eau dans l’océan d’un environnement scolaire et social monolingue français et marginalement plurilingue avec les langues de l’immigration et les langues dominantes, essentiellement l’anglais.
Certains jeunes passés par les Calandretas - ou les classes bilingues n’essaient même pas de continuer l’occitan au collège, au lycée et à l’université - ce que l’administration de l’Éducation « Coloniale » leur propose le moins possible, dans une société où il est plus rentable de maitriser l’anglais et mieux vu par les jeunes de se mobiliser pour la planète ou diverses causes humanitaires.
La population de l’Occitanie est en train de changer radicalement et pas seulement en raison de l’immigration extra-européenne ou provenant du reste de l’Europe.
Il ne faut pas oublier non plus l’afflux des « Français » dits du Nord de la Loire, lesquels, pour beaucoup ignorent l’existence de l’Occitanie et quand, plus rarement, ils la connaissent, soit ne manifestent aucun intérêt pour notre langue et notre culture, voire y sont hostiles, soit les considèrent avec sympathie mais n’iraient pas jusqu’à apprendre l’occitan.
En cela, ils ne sont pas très différents des Occitans de souche qui, selon les diverses enquêtes, sont favorables à l’occitan et à son enseignement mais ne sont pas disposés à l’apprendre et le parler.
Il faut mettre à part le Val d’Aran, marge occitane dans la Generalitat de Catalogne de l’État espagnol, où l’occitan aranais est enseigné dans toutes les écoles.
Certes, la langue y est encore véhiculaire mais elle recule sous la pression d’une population monolingue hispanophone venue du reste de l’Espagne voire d’Amérique du Sud ou centrale.
Dans les vallées occitanes de l’État italien, l’occitan recule aussi sous la pression du dialecte piémontais et de l’italien standard.
La Principauté de Monaco ne revendique nullement son occitanité. La langue qu’on y enseigne dans le premier et le second degré n’est pas l’occitan provençal mais le « monégasque » c’est à dire du « gênois occidental » ou dialecte ligure. Les autorités monégasques ne font pas beaucoup d’efforts pour le promouvoir.
Les collectivités territoriales occitanes, pas toutes, prennent parfois des initiatives diverses pour promouvoir l’occitan.
Quelques villes occitanes ont installé des plaques de rue bilingues.
Des départements occitans financent les panneaux bilingues à l’entrée des villes et des villages. Ce sont des mesures certes nécessaires mais elles ne vont pas sauver la langue. S’en contenter revient à faire de l’occitan un nouveau latin.
La survie de l’occitan est une question éminemment politique contrairement à ce que pensent certains occitanistes qui se limitent au terrain culturel, comptent sur les subventions, refusent l’engagement politique pour l’occitan et ne prodiguent en fait que des « soins palliatifs ».
Langue, culture, identité et économie vont de pair.
On ne se bat pas seulement pour une langue mais pour un pays, osons le mot : une nation et pour briser la tutelle qui l’étouffe.
Il ne faut pas compter sur l’État français jacobin pour promouvoir la diversité linguistique puisqu’il en est l’ennemi principal depuis la conquête et n’a eu de cesse d’essayer d’assimiler les peuples de France.
Le minimum vital consiste à avoir des régions occitanes autonomes sur le plan fiscal et législatif, sur le plan de l’enseignement, de l’accueil des immigrants pour qu’ils ne soient pas évalués que sur leur maitrise du français, pour leur permettre de mener des politiques culturelles et linguistiques radicales en faveur de l’occitan.
Encore faudrait-il qu’il y ait des majorités politiques qui y soient favorables. D’où découle la nécessaire présence en leur sein d’un nombre significatif de militants politiques occitans élus.
C’est une condition nécessaire mais pas suffisante.
L’autonomie ne garantit pas la survie de la langue en butte à la pression de la langue dominante que ce soit le français, l’espagnol ou l’italien.
Et même l’indépendance n’assure pas nécessairement la survie et la vitalité de la langue comme le montre l’exemple de la République d’Irlande avec le gaélique submergé par l’océan anglophone.
Le contre exemple étant la renaissance de l’hébreu en Israël, passé du statut de langue résiduelle à celui de langue véhiculaire normale grâce à la volonté politique des sionistes.
Il ne faut donc pas céder au désespoir.
Certains relativisent la situation de l’occitan et des autres langues de France en rappelant que la propagande pour la révolution et l’indépendance algériennes s’est faite en français, langue des colons, non en arabe et encore moins en berbère.
Peut-on concevoir une Occitanie autonome ou indépendante francophone, sans langue occitane ?
Le Parti de la Nation Occitane ne le pense pas.
Ce serait trahir un des principes de l’ethnisme selon lequel la langue est l’indice synthétique de la nation.
Le combat pour une transmission minimale de la langue, pour son enseignement immersif généralisé, pour sa présence dans l’espace public, ne suffit pas. Le meilleur discours en occitan reste un témoignage symbolique.
La création d’un État occitan indépendant avec sa langue, sa culture, sa vision du monde et son territoire à cheval sur les territoires actuels de quatre États, dépend des Occitans de souche et d’adoption, d’une nouvelle génération de militants qui tireront les leçons des errements du passé.
Cette nouvelle génération verra-t-elle le jour ?
Le PNO le souhaite ardemment et contribuera à son niveau à son émergence mais il a l’humilité de reconnaître que le dernier mot demeure au peuple occitan qu’il appelle à se mobiliser.