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Lo Lugarn n°138 est en ligne

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Sieu « boomer » (1) e n'ai pas vergonha

par Bernard Fruchier

Una plancarta d'EELV a esmogut lo monde politic, entreinant de reaccieus fins en lo mitan "ecologist". Ai ja escrich mantes còups sus cen que deuria estre una ecologia vertadiera, donca locala, donca, per nosautres, occitana, mas, despí fôrça temps, me sento, en tant que "vielh", lo bersalh (la cibla) de l'òdi d'EELV per tot cen que s'es fach denant la naissença d'aquels "paures joves" a cu laisseriam una terra en l'estat que se pôl constatar. Vorrio monstrar ancuei - en francés, soleta lenga qu'acapísson en mai d'aquela de Shakespeare - que soleta l' inhorantisa de l'istòria apontela la sieu condemnacieu dei vielhs, cen qu'an sonat en francés "jeunisme".

 

Donc une affiche de (pré ?) campagne d'EELV attaque les chasseurs et les "boomers" terme anglais censé désigner les personnes nées après la guerre de 39/45 au moment du "baby-boom" encouragé par une politique nataliste, horreur aux yeux des décroissants sur le plan démographique. Ces fameux boomers seraient donc "en trop", voire coupables d'être nés et, en tout cas, responsables de l'état actuel de la planète!

Mais commençons par les chasseurs, à tout saigneur tout honneur, estiment ces faux écolos. Ils seraient notamment responsables de la perte de biodiversité par leur destruction effrénée des "petits oiseaux". Je dois préciser avant tout que je ne suis pas chasseur mais paysan, ce qui me confère, pour témoigner de l'état de nos campagnes, un avantage appréciable sur les "écolos en chambre" ou "écolos de salon". N'utilisant - ainsi que mon voisin le plus proche - ni engrais chimiques ni pesticides et mon exploitation étant entouré de terres incultes, je suis passablement fier de pouvoir présenter à des amis naturalistes ou/et photographes la biodiversité animale et végétale exceptionnelle qui règne sur ma propriété et ses environs. Cela ne m'empêche pas de recourir aux bons soins de la société de chasse, du lieutenant de louveterie et des battues administratives pour limiter l'impact, devenu aujourd'hui économiquement catastrophique, du grand gibier (ré)introduit (et parfois nourri) de façon irresponsable par des non-agriculteurs. Et je ne parle pas des plus de quatre meutes de loups signalées par la préfecture sur notre commune : il faut dire que la prédation est acceptée comme naturelle par ces écolos...sauf si le prédateur est l'homme ! J'ajouterai que, de nos jours les chasseurs restent les seuls à entretenir avec difficulté quelques anciens chemins pédestres.

Mais arrivons-en à ces fameux « boomers » qui, avec les chasseurs, seraient responsables du vote FN/RN. Les actuels retraités ont, au sortir de la guerre, accepté les boulots qui se présentaient, travaillé (dur) beaucoup plus de 35 heures par semaine, bénéficié de moins de temps libre et cotisé de façon à obtenir une retraite dont certains s'obstinent aujourd'hui à leur contester la légitimité.

Ils ont connu la lessiveuse, la glacière, la cuisinière à bois (les chiens aussi !), les bouteilles consignées, le lait non stérilisé, les aliments vendus au détail non préemballés, les vêtements que se repassait la fratrie ou donnés par des voisins, etc. C'est dire que ces boomers auraient plus de facilité à revenir à un mode de vie plus simple s'ils étaient contraints à le faire que ces jeunes qui nous donnent des conseils et nous reprochent les facilités qu'ils ont exigées de leurs parents sous l'influence de la publicité : les ingrats ! Nous allions à l'école à pied, nos manuels scolaires étaient en noir et blanc, nos pupitres étaient inclinés et notre trousse, sans fantaisie, ne renfermait que quelques crayons et porte-plumes, l'encre étant versée par le maître dans les encriers.

Car il est plus facile d'accuser la génération précédente que de s'en prendre au capitalisme financier et mondialisé, fournisseur de tous les gadgets auxquels peu de jeunes sont en réalité prêts à renoncer.

Il est plus facile aussi de prétendre "marcher pour la planète" une fois en passant (et, si possible, à plat !) que de donner l'exemple dans la vie quotidienne de comportements plus respectueux de la nature. Le plus grave à mes yeux est cet aveuglement (coupable ?) qui les empêche de prendre conscience qu'il ne faut surtout plus rien exiger de l'état (toujours sans majuscule) car tous les projets pharaoniques sont sans efficacité écologique ni immédiate ni lointaine sauf pour la finance mondialisée : champs monstrueux d'éoliennes dont les nuisances sont encore discutées et dont le recyclage - après une durée de vie ridiculement brève - n'est que partiellement assuré, méthanisation à grande échelle qui justifie les énormes fermes d'élevage, bio-carburants qui risquent d'affamer une partie de l'humanité, voiture prétendue "propre" qui évite de poser le problème des transports en commun, du covoiturage ou du ferroutage, destruction des aménagements hydrauliques qui pourraient permettre à des milliers de moulins de produire - au fil de l'eau - plus d'électricité que ce que prétendent les faux spécialistes payés par les lobbies.

Small is beautiful mais pour s'en convaincre il faut quitter son bureau pour se confronter au terrain, ce qui est plus délicat. Persuadés que les ruraux sont de gros beaufs avinés, homophobes, machos, fachos (j'en passe et des meilleures), ces "écolos-gauchistes" ont oublié l'essentiel de la leçon du grand timonier : le révolutionnaire doit être dans le peuple comme un poisson dans l'eau. Les bobos repasseront! La presse regorge (et fait des gorges chaudes !) d'exemples de réalisations purement idéologiques de maires récemment élus sous une verte étiquette et qui ne font pas progresser la conscientisation, bien au contraire ! Il peut s'agir de suppression d'un arbre de Noël ou de menus sans viande dans les cantines scolaires, comme de subvention à des islamistes, ou de défense des rats et des punaises. Un problème assez général est celui de la pollution supplémentaire entraînée par les grands travaux de "verdissement" confiés à des entreprises de BTP et dont le bilan carbone sera bien lent à s'équilibrer. J'ai déjà écrit sur leurs contradictions et j'en ai sûrement oublié plus d'une, notamment ce hiatus choquant entre leurs condamnations du chauffage au bois ou de l'écobuage et leur silence assourdissant face à la crémation des containers poubelles ou des voitures des travailleurs : il ne faudrait pas risquer de choquer ces "bons petits jeunes" qui leur fournissent parfois de quoi rouler leurs "tarpets" et dont ils attendent le soutien électoral. Choisis ton camp, camarade !

Je reste pourtant persuadé que les véritables transformations écologiques se réaliseront sur le terrain local et que les municipalités en seront les promotrices. De plus, ce ne seront pas les villes qui sauveront la planète à coups de pistes cyclables, de délocalisation des véhicules dans les quartiers où ils peuvent polluer à loisir ou d'interdiction du chauffage au bois mais bien plutôt les campagnes où habitants et élus se sont lancés - certes progressivement - dans une profonde modification des modes de production et de consommation, encouragés et soutenus justement par les fameux « boomers » qui non seulement acceptent de payer plus cher les produits locaux mais encore ont conservé le souvenir de techniques plus respectueuses de l'environnement. Car le principal problème du jeunisme réside précisément dans cette "amnésie historique" inexcusable en un temps où l'on ne cesse d'affirmer le devoir de mémoire ! Il est vrai que la république jacobine sélectionne drastiquement les sujets dignes de commémorations! Il ne s'agit pas, comme on nous le reproche trop souvent, de retourner en arrière, mais de rappeler que la majeure partie des "inventions" contemporaines en matière d'écologie ne sont souvent que des redécouvertes, qu'il s'agisse de la consigne des bouteilles, de la récupération des déchets ménagers, de la réduction des emballages, des divers recyclages, du fret, des énergies éolienne ou hydraulique, des transports fluviaux, pour ne rien dire des techniques agricoles anciennes pompeusement baptisées aujourd'hui des noms de "cultures en terrasse", de "permaculture", d'"agroforesterie" ou d'"agro-sylvo-pastoralisme" mais inventées au cours des siècles par les anciens paysans occitans.

Les « boomers » en question ne sont-ils pas ceux (parfois qualifiés de hippies) qui ont inauguré le retour à la terre dès les années 60-70 ? Leurs rejetons auront-ils ce courage ?

Je me considère perso comme un "écolo du magalh" (qui cultive avec une houe) et je me flatte d'être un paysan à défaut d'un exploitant agricole moderne. Mes amis me traitent d'Amish de service ignorants qu'ils sont de la quantité de matériel thermique que mon fils et moi utilisons...à notre corps défendant ! Ce n'est pas parce que j'ai bastejat (porté le bât) dans le temps que je n'utilise pas pour autant des transporteurs à chenilles ; mais, en cas de pénurie de carburant, je pourrai(s) toujours me (re) tourner vers les équidés. Tout cela pour expliquer qu'il n'y a nul passéisme dans la prise de conscience des solutions à mettre d'urgence en œuvre. La maison brûle, tous ne regardent pas nécessairement ailleurs mais beaucoup préfèrent rester spectateurs ou manifester ou faire la grève des cours "pour la planète", ce qui revient au même ! Comme Kant, certains ont les mains propres, mais ils n'ont pas de mains et notre regretté camarade et ami J.-P. Giraud se faisait un honneur d'oser plonger les mains dans la m...Je n'ai que peu de  respect pour les donneurs compulsifs de leçons : qu'ils montrent l'exemple au lieu de seulement parler et parader et ils s'apercevront que la solution se mettra en place progressivement et que la grelinette (fourche à bêcher) dont les plus exaltés me recommandent l'usage n'est pas un commencement mais un point d'arrivée.

En somme, l'écologie est devenue une chose trop sérieuse pour être abandonnée à des mouvements politiques, même colorés de vert. Les vagues formules comme "marcher pour le climat", "sauver la planète", "décroissance" nous paraissent, dans leur généralité superficielle, bien insuffisantes pour ne pas dire risibles. Il ne faut surtout pas laisser croire à la jeunesse qu'elle est investie d'un messianisme qui lui permettrait, en rachetant les prétendues fautes de ses parents-boomers, de sauver l'humanité ; on nous avait déjà fait le coup avec la classe ouvrière. Pas plus que la dictature d'une classe, celle des végans et autres antispécistes ne saurait résoudre les problèmes angoissants auxquels nous sommes tous, hic et nunc, jeunes et vieux, désormais confrontés. Pour échapper à des slogans maximalistes, démagogiques et irréalistes, le peuple devra prendre conscience de sa responsabilité et mettre en place, au niveau des communautés de base, un projet d'avenir qui ne soit ni refuge dans un passé mythique, ni refus de l'histoire.

Nosautres causirem sens pastre per quna dralha caminar.

Note (1) https://fr.wikipedia.org/wiki/OK_Boomer

 

Tag(s) : #Lo Lugarn
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