C’était cette année la 22ème édition du festival occitan « l’Estivada » à Rodez. A l’issue de celle-ci, la question se pose de savoir si il y aura une nouvelle Estivada en 2016 à Rodez. En effet, le directeur artistique du festival, Patrick Roux, a annoncé dans une conférence de presse qu’il jetait l’éponge pour des « raisons personnelles ». Lors de l’inauguration, le maire de Rodez nous a asséné un discours fleuve d’auto-satisfaction et a laissé entendre que l’Estivada continuerait, en restant dans le flou sur le format et le financement. Il a évoqué une Estivada polycentrique qui se déroulerait à Rodez et dans d’autres villes en même temps. Si j’en crois ce que m’a confié Patrick Roux, le maire de Rodez, avec qui il était en conflit, n’aime pas le format actuel de l’Estivada. Il veut réduire le festival à un weekend, en limiter le contenu à des groupes folkloriques et surtout diminuer considérablement le montant de la subvention versée par la municipalité sous prétexte que la dotation de l’État à l’agglo et à la ville est en baisse sévère. Prétexte en effet si on compare la subvention versée à l’Estivada avec la somme versée par la municipalité pour le passage du Tour de France et sa part dans la réalisation du musée Soulages.
Que faut-il penser des « raisons personnelles » invoquées par Patrick Roux pour justifier sa démission ? Nous avons appris qu’il se présenterait en décembre prochain aux élections de la nouvelle grande région « Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon » sur une liste de la gauche alternative composée de EELV, du Partit Occitan-Endavant et du Front de gauche sous la bannière de Gérard Onesta.
L’Estivada était devenue en tant que festival le rendez-vous incontournable de l’été occitan ou faudrait-il se limiter à dire : occitaniste ?
Outre les spectacles, les conférences et les débats, c’est avec les stands des associations culturelles et plus ou moins politiques l’endroit où on rencontre tout le monde du microcosme occitaniste. Bien sûr, il ne faudrait pas oublier le festival off animé pendant de nombreuses années par René Durand qui apportait un contre-point et un complément par rapport à l’Estivada.
Comme tout festival, l’Estivada a fait l’objet de critiques plus ou moins justifiées sur les choix artistiques de Patrick Roux depuis sa prise de fonction en 2008. Vu de Rodez, on pouvait légitimement lui reprocher un parachutage depuis le Languedoc, la quasi absence de chanteurs et de groupes musicaux du Quercy et de Rouergue dans la programmation et la faible représentation des rouergats dans l’équipe de direction de l’Estivada, parfois la très (trop ?) grande ouverture sur l’international au détriment du domaine occitan. Il est vrai que la programmation peut souffrir des contraintes budgétaires et de ce point de vue, l’Estivada 2015 n’a pas été un bon cru. Le niveau sonore particulièrement élevé de certains groupes n’a pas suffi à masquer leur absence de talent, sans parler des pitoyables diatribes anti-capitalistes et anti-nationalistes (occitanes) de certains chanteurs qui faisaient amèrement regretter l’année où « lou Dalfin » était à l’Estivada et ne se privait pas de saluer la nation occitane.
Par ailleurs, à chaque Estivada, la même question s’est posée : pour les ruthénois l’Estivada n’est-elle pas perçue comme un ghetto occitaniste où l’on n’a pas accès si on ne parle pas l’occitan ? La réponse est qu’il faut trouver un moyen terme entre un festival purement franco-français dont il y a pléthore et un festival occitan purement occitanophone.
Le Parti de la Nation Occitane entretient une relation particulière avec l’Estivada depuis l’époque où feu notre président, Jacques Ressaire, y venait tout seul avec une table pliante et une chaise pour faire son travail de conscientisation du peuple occitan.
Le Parti de la Nation Occitane a célébré à Rodez pendant l’Estivada de 2009 mais en dehors d’elle, le 50ème anniversaire de sa création. Grâce à Patrick Roux, nous avons pu obtenir chaque anné un stand au nom du « Lugarn » pour éviter, à sa demande, de donner à l’extérieur l’image d’un stand trop ouvertement politique. Personne n’était dupe et on y trouvait toutes les publications du PNO. Il en était de même pour les stands du Partit Occitan et de Libertat. Ce stand nous a permis de discuter avec beaucoup de gens et de semer notre graine même si le bilan peut paraître maigre en termes d’adhésions et de ventes (cartes d’identité, cartes d’Occitanie, Lugarn, livres etc.)
Grâce aux contacts locaux de l’enfant du pays, Charles Pons, nous avons pu être hébergés au lycée Querbes à des tarifs sans concurrence et aussi nous réunir dans les salles du lycée, ce qui sert de rencontre utile entre le Comité National du printemps et celui de l’automne.
Nous souhaitons que l’Estivada, à condition qu’elle ne soit pas dénaturée et qu’elle soit soit mieux intégrée à la ville de Rodez et sa région, continue à Rodez.
Si malgré tout, elle devait quitter Rodez (elle ne pourrait plus alors continuer à s’appeler Estivada, marque déposée par l’ex-maire Censi), il ne manque pas de villes moyennes en Occitanie capables de relever le défi logistique, financier et culturel que représente la poursuite d’un festival occitan de référence. Il serait en effet préférable de privilégier les villes moyennes plutôt que les métropoles. Bien qu’il n’ait pas démérité, il faut tourner la page de l’ère Patrick Roux de la meilleure manière possible.
JP Hilaire, vice-président du PNO