Mr Jean-François PONCET vient de nous quitter. Il y a une douzaine d'année déjà que des militants politiques occitans rencontraient le Président du Conseil Général du Lot et Garonne. Nous vous faisons partager à nouveau cet éditorial de notre revue Lo Lugarn numéro 70, en date du 21 janvier 2000.
RENCONTRE
par Jean-Pierre Hilaire
La branche lot-et-garonnaise du mouvement politique occitan Unitat d’Òc a rencontré au mois de
décembre dernier le président du Conseil Général du Lot-et-Garonne, Jean François-Poncet. Pour la première fois, les décideurs politiques d’un département occitan recevaient officiellement un
mouvement politique occitan. Cela vaut la peine d’expliquer la genèse de cet événement. Pour marquer le passage à l’an 2000, le président avait décidé de lancer une grande enquête pour savoir ce
que les lot-et-garonnais pensaient et voulaient, sous la forme de 22 questions sur l’image du département, l’emploi et le développement économique, la jeunesse, la vie quotidienne, la solidarité
et l’action sociale, l’aménagement du territoire et l’espace rural. C’était un grand défi et malgré le scepticisme des professionnels de la politique, 20000 questionnaires furent remplis et
retournés à l’Hôtel du département, soit un taux de participation de 22 %,un foyer sur 5 ! Une réussite inattendue. Nous avions répondu par ce que la démarche nous semblait intéressante mais nous
avions voulu apporter notre contribution d’une manière différente. Un document avait été rédigé et envoyé au site Web du Conseil Général pour faire connaître à nos conseillers généraux les
propositions d’Unitat d’Òc pour l’avenir du Lot-et-Garonne. Le président nous répondit sur le champ pour nous inviter à une séance de travail et de discussion. Nous étions une délégation
de six personnes. Le président avait à ses côtés le vice-président, le maire de Lavardac, chargé des questions économiques au Conseil Général, le maire de Pont du Casse et un collaborateur. Le
travail se fit à partir de l’étude de notre document et la réunion dura plus de deux heures. Ce fut pour nous une leçon de réalisme politique. Nous avons appris à mesurer la marge de manœuvre
exacte d’un élu local de haut niveau, sincèrement anti-jacobin. Nous nous sommes rendus compte du caractère irréaliste de certaines de nos propositions. Néanmoins, nous avons constaté une grande
convergence de vues. Cela faisait du bien d’entendre dans la bouche de François-Poncet que les départements et régions françaises actuelles étaient des institutions dépassées. Il est favorable à
un union entre les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées et s’opposerait à la fédéralisation de l’État français. Cela ne lui ferait pas peur si nous nous dirigions vers des pouvoirs régionaux forts
comme dans la Généralité de Catalogne ou le Pays basque autonome de l’État espagnol. Il est vrai qu’en dehors du drapeau occitan à l’Hôtel St Jacques et d’une chronique occitane dans
Confluent, la revue du Conseil Général, qui sont déjà de réalités, il ne s’est engagé sur rien de nouveau. Mais nous avons compris que le président avait besoin de sentir le souffle d’un
mouvement occitan puissant pour renforcer notre crédibilité dans un État qui est tout le contraire d’un état démocratique, comme le prouvent les atermoiements sur la question linguistique en
France qui ne fait pas partie des priorités de Chirac et de Jospin. Les seuls moyens démocratiques que nous ayons à notre disposition sont le travail sur le terrain électoral,
l’organisation de manifestations, les communiqués de presse, les actions de sensibilisation sur les sites Web, sur les stades de rugby et que sais-je encore. Au moment où les pouvoirs écossais et
gallois se mettent en place et où la république italienne déclare dans la loi protéger l’occitan et les autres langues parlées dans le pays en dehors de l’italien, la France devient le plus
mauvais élève de l’Union européenne en matière de démocratie linguistique. Ses régions sont des nains politiques. Voilà une bonne occasion de mener une campagne acharnée contre l’exclusion
linguistique en collaboration avec les autres peuples de l’État français et de nous investir pour l’élargissement des pseudo-pouvoirs des régions.
Le Conseil Général de Lot-et-Garonne prépare un beau livre pour marquer le millénaire et faire de la prospective jusqu'à 2050. L’identité occitane de cette terre sera soulignée dans le
chapitre que je viens d’écrire et dans l’ensemble du livre. Cela prouve qu’on peut faire avancer nos idées dans le monde politique et dans notre peuple sans perdre notre identité de nationalistes
occitans. Finalement, cette rencontre n’était qu’un début. Il n’est pas incompatible de dialoguer avec les politiques et en même temps de leur faire concurrence.
Agen, le 21 janvier 2000