Stratégie pour la mouvance occitane par Jean‐Pierre Hilaire
Il faut souligner les avancées de la prise de conscience par les Occitans de leur occitanité. Un des critères pour mesurer ces avancées est le nombre de manifestants pour la langue occitane.
Nous étions 5000 à Marseille en 1982, 12000 à Carcassonne en 2005, 20000 à Béziers en 2007 et 25000 à Carcassonne en 2009.
Au Val d’Aran, dont le « Conselh Generau » est autonome au sein de la « Generalitat » de Catalogne, l’aranais, forme d’occitan de Gascogne, est devenu officiel dans toute la Catalogne à l’issue d’un vote au Parlement de Barcelone.
Les régions occitanes de Languedoc‐Roussillon, Midi‐ Pyrénées et Aquitaine, entre autres, mènent peu ou prou des politiques linguistiques en faveur de l’occitan. C’est le cas aussi de certains conseils généraux, communautés de commune et municipalités qui affichent l’identité occitane par les drapeaux et la signalétique bilingue. Des entreprises montrent leur occitanité en recevant le label Òc per l’occitan.
L’occitan s’enseigne à l‘école dans les classes bilingues. Sur le plan politique, un autre critère est le nombre d’élus occitanistes.
Si on prend comme mesure les élections régionales de mars 2010, 5 conseillers régionaux appartenant au Partit Occitan ont été élus.
Aux élections cantonales de mars 2011, un candidat, Gustau Alirol, président du Partit Occitan, a pu se maintenir au second tour sans toutefois être élu, certains des autres candidats présentés par le P.OC, le P.N.O et Libertat ont obtenu des résultats honorables allant jusqu’à 20%. Tout cela est incontestablement positif mais doit être relativisé. Même si nous relevons le défi d’une nouvelle manifestation pour la langue occitane en 2012 en coordination avec les Basques et les Bretons, il n’est pas certain que nous ferons mieux qu’en 2009 d’autant que le choix de Toulouse comme lieu semble ne pas faire l'unanimité des associations organisatrices. Il convient de se demander si nous serons audibles en une année d’élection présidentielle qui va mobiliser prioritairement et quasi exclusivement les médias. Et quand bien même nous serions 30000 ou plus, quel serait l’impact sur une population de 15 millions en Occitanie avec un afflux massif de résidents d'origine non occitane ces dernières années et sur un pouvoir politique toujours concentré à Paris ? Pendant que nous manifestions pour la langue occitane en 2009, les Catalans de la « Generalitat » étaient quarante fois plus nombreux avec une population moindre à manifester pour l’auto‐détermination.
C’est grâce aux Catalans que les Aranais ont obtenu leur autonomie. Tant que les premiers ne seront pas indépendants, cette autonomie peut être remise en cause. Les politiques linguistiques des régions et des départements occitans en faveur de l’occitan sont utiles mais insuffisantes pour socialiser la langue ou garantir sa transmission. 180 entreprises ont le label Òc per l’occitan. C’est bien peu sur les milliers d’entreprises occitanes. La socialisation est l’affaire des générations futures et ne peut passer que par l’école. Or actuellement l’enseignement de l’occitan, quel qu’en soit la forme, ne touche qu’un pourcentage infime d’élèves et d’étudiants occitans. L’inscription des langues de France dans la Constitution n’aura aucune portée pratique tant qu’une loi, qui n’est pas la priorité de la classe politique, ne les officialisera pas. Si nous avons 5 conseillers régionaux sur toute l’Occitanie, nous le devons essentiellement à l’alliance entre le Partit Occitan et Europe Écologie‐ les Verts. Ils n’ont pas été élus uniquement avec des voix occitanes indépendantes des partis et mouvements politiques français. Le Parti de la Nation Occitane était favorable à une union des forces occitanes indépendantes pour les élections, mais plus largement encore, de la mouvance occitane, c'est‐à‐dire tous les acteurs de la scène culturelle et politique occitane sans exclusive. Cette union fédérant toutes les bonnes volontés aurait comme objectif de conquérir petit à petit le pouvoir dans les régions. Nous n’avons pas changé d’avis même s’il est clair que la réforme territoriale est calculée pour nous mettre hors jeu. Peut‐être faut‐il créer des mouvements régionaux occitans aussi larges que possible, comme le propose David Grosclaude pour l’Aquitaine, moins pointus et moins marqués idéologiquement que les partis et mouvements politiques actuels comme le P.N.O, le P.OC et Libertat.
Les partis politiques français en place, de droite comme de gauche, n’aiment rien moins que la concurrence. Nous n’allons pas les supplanter demain mais notre présence électorale peut leur faire peur et les pousser à s’occitaniser de même que les partis présents dans la « Generalitat » de Catalogne se sont presque tous catalanisés. Il faut que l’Occitanie, à l’instar de l’écologie, ne soit plus la propriété exclusive des occitanistes mais traverse quasiment tous les partis politiques représentés en Occitanie. C’est la seule manière de mobiliser les Occitans d’origine et d’adoption et de faire progresser chez eux l’idée d’autonomie, de fédéralisme et d’auto‐détermination. Nous devons à la fois travailler avec les élus des partis français au sein des municipalités, des départements et des régions en Occitanie et être en concurrence avec eux lors des élections. Les occitanistes qui ne veulent pas ou n’osent pas s’afficher sur le plan politique par peur de perdre leurs subventions font fausse route. C’est au contraire en affichant nos couleurs que nous serons respectés et considérés comme des partenaires.
Agen le 1er Mai 2011