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Ci dessous l'éditorial en Français de Jean-Pierre Hilaire. Cet éditorial est aussi en Occitan et ce dans les deux graphies classiques.
Ne nous contentons pas de rêver de Catalogne
Dans le royaume d’Espagne, pays membre de l’Union européenne, des élus au parlement autonome de la Generalitat de Catalogne ont été contraints à l’exil ou sont emprisonnés depuis 17 mois. Ils sont 12, hommes et femmes, à comparaître à Madrid depuis le 12 février devant le tribunal suprême dans un procès que l’on peut qualifier de spectacle et de mascarade et dont l’issue est connue d’avance. Parmi eux Oriol Junqueras, vice-président de la communauté autonome qui risque 25 ans de prison.
Les exilés dont l’ex président de la Generalitat, Carles Puigdemont, savent que s’ils rentrent au pays, ils seront immédiatement arrêtés et emprisonnés.
Quels crimes ont-ils donc commis ?
Faisant partie de la majorité indépendantiste élue au parlement de Barcelone en 2015 et confirmée par la dernière consultation électorale de 2017, il avaient organisé, passant outre l’interdiction du pouvoir central à Madrid, un référendum d’autodétermination le 1er octobre 2017.
Malgré l’usage de la violence par la Guardia civil pour empêcher des citoyens pacifiques de voter, malgré l’emploi par l’État espagnol de presque tous les moyens coercitifs à sa disposition, 43 % des électeurs avaient pu exprimer leurs suffrages et avaient voté à 90 % pour l’indépendance de la Catalogne.
Priver les électeurs d’exercer leur droit le plus élémentaire, à savoir le droit de vote et criminaliser l’indépendantisme, arrêter des élus sous les prétextes fallacieux de sédition, rébellion (assimilée à l’usage de la violence en droit espagnol) et de détournement de fonds publics, suspendre l’autonomie de la Catalogne et la placer sous la tutelle du pouvoir central, tout cela ne correspond guère à l’idée que l’on se fait d’un pays membre de l’Union européenne où les règles d’or sont la démocratie, le respect des droits de l’homme et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes reconnu par l’ONU.
L’Espagne montre actuellement qu’elle est une démocratie bien imparfaite, en tout cas imparfaitement défranquisée.
Par ailleurs, le refus des instances européennes d’intervenir dans ce qu’elles considèrent comme les affaires intérieures d’un pays membre où règne l’État de droit (sic !) est une leçon amère pour les très pro-européens indépendantistes catalans mais aussi basques, écossais, flamands et corses.
Ces derniers ne devront pas trop compter sur l’Europe pour s’affranchir de la tutelle de leurs États nations respectifs.
Le Parti de la Nation Occitane pense pourtant que l’Europe devrait s’appuyer sur ces amis car elle souffre d’un déficit de crédibilité parmi les Européens, d’une incapacité à trouver des consensus sur des problèmes vitaux comme l’immigration ou l’harmonisation fiscale. Elle a suffisamment chez elle de souverainistes et populistes qui risquent à terme de paralyser la poursuite de son intégration.
Le statu quo territorial, l’intangibilité des frontières dans une Espagne réputée tout aussi une et indivisible que la république française sont des lignes rouges que Madrid et Paris feront respecter de gré ou de force sans que Bruxelles y trouve à redire, du moins tant que la pression populaire pour l’indépendance ne deviendra pas irrésistible.
Seuls peut-être les Écossais auraient pu, lors du référendum de 2014, décider de sortir du Royaume Uni mais rien ne dit que l’Écosse serait automatiquement devenue membre de l’UE et maintenant le Royaume uni empêtré dans le Brexit se montre beaucoup plus intransigeant face aux Écossais qui ont, eux, rejeté le Brexit.
Les militants politiques occitans, qu’ils soient autonomistes ou indépendantistes et même certains militants culturels, vouent une admiration légitime à la Catalogne, même si la situation politique y apparaît bloquée. Certains ont manifesté concrètement leur solidarité pour les indépendantistes catalans en aidant à l’organisation du référendum ou en écrivant aux prisonniers.
Ils rêvent d’une Occitanie qui serait comme la Catalogne ou le Val d’Aran : un pays où on pourrait parler et vivre en occitan partout qu’on soit occitan d’origine ou d’adoption sans passer pour un marginal, où tous les partis politiques, même succursalistes se diraient occitans, où l’enseignement à tous les niveaux se ferait en occitan, le français n’étant que la langue seconde, un pays doté d’un gouvernement autonome avec le pouvoir de décider dans bien des domaines, un pays où la revendication d’indépendance ferait descendre régulièrement dans la rue des centaines de milliers de personnes de toutes générations, immigrés compris.
Ce rêve deviendra peut-être un jour réalité mais pour l’instant le Parti de la Nation Occitane les invite à se réveiller et à examiner l’état réel de la conscience nationale occitane dans le peuple occitan. Elle a incontestablement progressé dans l’imparfaitement nommée région administrative « Occitanie » mais qu’en est-il dans le reste de la nation occitane ?
Les gilets jaunes, émanation du peuple majoritaire de la « France périphérique », à quelques exceptions près, sont jacobins tricolores et la revendication d’une république girondine largement décentralisée à laquelle souscrit le Parti de la Nation Occitane, n’est pas celle qui semble prioritaire sur les ronds-points, dans les manifestations et lors du grand débat national.
Les dirigeants de la Corse ont beau être pour certains indépendantistes, ils ont bien compris que l’indépendance ne peut pas être à l’ordre du jour pour l’instant.
Le Parti de la Nation Occitane, sans renoncer à son objectif d’indépendance pour l’Occitanie et à le rappeler dans le Lugarn, sur son blog et dans les réseaux sociaux, invite encore et toujours les militants occitans à aller sur le terrain à la rencontre des Occitans et à participer dans le cadre de BASTIR aux élections municipales de 2020.
Ne nous contentons pas de rêver de Catalogne et d’une république catalane indépendante. Ne mettons pas la charrue avant les bœufs. Partons de la réalité de l’Occitanie et nous avancerons poc a poc comme disent les Catalans même si nous avons le sentiment frustrant de travailler pour les générations futures.