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Tous écolos

 

            Mac Donald vient d’annoncer qu’il va supprimer les pailles dans ses snacks : la planète est sauvée ! On l’a échappé belle. Tous les partis, les syndicats, les associations, les médias, les citoyens sont désormais écolos, c’est une affaire entendue et tout le monde s’est mis au bio (pour ceux qui le peuvent).

            Les industriels, les patrons, se sont convertis également. S’il faut vendre de l’écolo, ils vendront de l’écolo. Pourvu qu’ils vendent…

            Je trie, tu tries, ils trient, et ils recyclent ; un peu le plastic et le papier, mais pas trop quand même, il y a des limites à tout. La nature ne nous a-t-elle pas fourni les océans pour poubelle et les habitants des bidonvilles du Vietnam et de l’Inde n’ont-ils pas besoin de trier, sans précaution, nos ordinateurs, nos smartphones, nos batteries et autres saloperies bourrées de métaux toxiques pour survivre un peu ? Donc, tout va bien.

            Certes, les études scientifiques qui sortent et se succèdent ne montrent aucun infléchissement de la trajectoire tragique sur laquelle nous nous sommes mis, mais ce n’est pas grave, nos enfants se débrouilleront toujours.

            Tous écolos donc, on veut bien, mais… Mais pas question de déclinisme, de « retour à l’âge des cavernes », de culpabilisation, de « fascisme naturaliste ». Pas question de réduire nos voyages en avion, ou, après avoir fêté Halloween, de ne pas pouvoir profiter du Black Friday dans des grands magasins qui nous souhaitent un Marry Christmas. Pas question de freiner la croissance, car demain comme hier c’est la production et le productivisme qui doivent tirer la société.

            « L’homme s’en est toujours sorti, alors il s’en sortira encore. Son intelligence résoudra les problèmes ». On ne sait pas comment, mais cela ne fait rien ; c’est un dogme. On n’a toujours pas résolu le problème des déchets nucléaires, mais on n’a rien d’autre à proposer que des EPR nouvelles. On veut oublier que si l’homme a répondu aux problèmes technologiques qu’il a lui-même créé, c’est en créant d’autres systèmes qui finissent par créer leurs propres problèmes. C’est la fuite en avant.

            Dans une première phase, l’artisanat a produit ce dont l’homme avait besoin. La quête constante des gains a fait que l’industrie a élargi son champ d’action. Elle est allée conquérir (c’est une guerre) des marchés extérieurs (en étouffant le développement d’autres pays). Puis, l’industrie s’est hyper concentrée en réduisant les concurrences et favorisant les ententes sur notre dos. Puis, l’industrie a délocalisé en maintenant des populations dans un état de grande précarité pour que nous maintenions notre niveau de vie. Ensuite on a organisé l’obsolescence programmée des produits car il faut pousser à la consommation. On a également généralisé le matraquage publicitaire dans une société ou désormais tout est à vendre ; les espaces culturels, les espaces intellectuels, tout (quel grand message humaniste que de voir les rugbyman louer leurs culs à la publicité). Désormais on n’achète plus ce dont on a strictement besoin. La consommation doit être une fin en soi, sans limite. Et le système ne tient que dans une tension majeure de cette fièvre consommatrice. De façon plus ou moins consciente, la société perçoit le danger d’effondrement. Les personnes se sentent en danger, le repli égoïste et l’appel à la démagogie se développent.

La conquête des marchés extérieurs a atteint ses limites avec l’entrée en jeu de la Chine. L’inflation consommatrice se heurtera aux limites des revenus, même si l’État, ne faisant qu’une écologie de consommation (changer sa voiture, changer les normes électriques, imposer des travaux d’isolation), essaie de tirer encore la sacro-sainte croissance. Les politiciens sont schizophrènes. Ils font le chantage à l’emploi, mais eux-mêmes réduisent les services publics, aidés par l’informatique. La thèse du ruissellement ne marche pas, les inégalités se creusent.

La révolution néolithique est en train d’atteindre ses limites. Et la révolution nécessaire à notre survie ne sortira pas des « grands esprits » autoproclamés qui ont à vendre (toujours à vendre) leurs bouquins à la télévision.

Je n’ai pas la solution, mais cela ne m’interdit pas de poser les questions, de dénoncer les errements. Je n’ose pas parler de décroissance, le mot est encore tabou et pourtant c’est toute la mécanique du système production/développement social qui va devoir être remis en cause.

Ce que je pense aussi, c’est que l’enjeu est un enjeu planétaire. L’ancienne organisation en État-nations sur laquelle est calqué le capitalisme est désormais une entrave aux évolutions radicales nécessaires. Des citoyennetés de proximité aux défis planétaires, il faudra créer des systèmes de solidarité et non de concurrence déloyale, voire de guerre permanente.

Mais on le voit bien, la route est encore longue et il n’est même plus certain qu’elle ne soit pas trop longue.

 Jacme Pince

 Le 2 décembre 2019

Jacme Pince : Tous écolos !

Jacme Pince : Tous écolos !

Tag(s) : #Actualités, #Tribune libre, #écologie
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